Le suivi et évaluation des initiatives du secteur de la sécurité est indispensable pour assurer l’efficacité des programme, mais il n’existe pas en la matière d’approche « taille unique » ni de règle d’or (Holland, 2010). Le suivi et évaluation doit éclaire l’élaboration des initiatives et il peut avoir pour effet d’accroître l’efficacité des actions préventives des personnels de la sécurité, d’améliorer la qualité des services fournis aux survivantes et de favoriser l’appréhension, la poursuite et la condamnation des auteurs des actes de violence. En sus des conseils généraux donnés sur le suivi et évaluation dans la Section des Éléments essentiels de la programmation, les points clés à prendre en considération pour l’élaboration d’un système efficace de suivi et évaluation des initiatives de sécurité sont les suivants (OECD/DAC, 2011):
- Adopter une démarche participative, axée sur les gens, pour favoriser l’appropriation du système et renforcer les capacités. Ceci doit s’appliquer tant aux institutions qu’aux acteurs exécutant les initiatives (ex.: donateurs, gouvernrment, personnels de sécurité, organes de supervision, organisations de femmes) de même qu’aux personnes et aux communautés qui bénéficient du programme, et en particulier aux survivantes de la violence. Les consultations peuvent avoir lieu durant la phase de conception (ex.: pour établir les objectifs du programme et les façons de mesurer sa réussite) ou dans le cadre d’un suivi en continu (ex.: lors de l’évaluation des progrès et des décisions relatives à l’adaptation des activités et priorités du programme). Cette démarche offre divers avantages et peut notamment :
- Encourager les institutions de sécurité à mettre en place des système et processus internes pour évaluer leurs activités, définir leurs propres critères de performance et procéder à des auto-évaluations de leus progrès par rapport aux objectifs, ce qui peut renforcer la détermination d’atteindre les objectifs de performance fixés.
- Favoriser l’appropriation des initiatives ainsi que renforcer les capacités nationales en matière recueil de données et de suivi et évaluation. Ceci peut accroître l’efficacité et les contributions des organismes de supervision, qui peuvent consulter les institutions de sécurité pour établir conjointement les objectifs et les indicateurs de performance à surveiller, ces organismes étant de ce fait mieux informés du contexte dans lequel ils proposent leurs recommandations.
- Autonomiser les survivantes de la violence ou les organisations de femmes qui leur fournissent des appuis, lesquelles peuvent ne pas disposer des informations, des capacités et de l’autorité requises pour effectuer un suivi et évaluation efficace des institutions de sécurité. Elles peuvent, par exemple, ne posséder que des connaissances limitées des programmes et processus de sécurité et ne pas avoir accès aux décisionnaires, en particulier ceux des institutions de sécurité (International Alert, 2008). L’apport de possibilités permettant aux femmes de formuler et d’exprimer leurs besoins et leurs expériences en matière de sécurité et de détermner comment il convient de mesurer la qualité des services et de la réponse des personnels de sécurité est un élément essentiel pour assurer des prestations de services axées sur les survivantes.
- Faciliter un processus de suivi et évaluation transparent, impartial et crédible, et dont les résultats sont largement disponibles.
- Contribuer à une atténuation de la méfiance qui peut exister entre les parties prenantes, notamment la société civile, les groupes de femmes, et les institutions de sécurité, en les associant dans le cadre d’activités de renforcement des relations.
- Choisir des évaluateurs possédant les qualités requises. Afin de maximiser la pertinence et la valeur des processus d’évaluation, les initiatives doivent choisir des évaluateurs indépendants possédant des connaissances spécialisées dans le domaine de la violence à l’égard des femmes, particulièrement lorsque les ressources disponibles sont rares. Un manque général de sensibilité à la problématique hommes-femmes risque de réduire l’attention accordée à l’impact des programmes sur les survivantes et plus généralement sur l’inégalité des sexes existante (Popovic, 2008).
- Allouer aux processus des ressources financières suffisantes. Le maintien de la qualité et de la fréquence du recueil des données dans le cadre d’un suivi en continu permet aux responsables de l’exécution du programme d’évaluer les extrants et les effets à court terme et donc d’effectuer des ajustements aux activités et plans du programme, de manière à favoriser la réalisation des objectifs et l’atteinte des cibles fixés. Il convient d’allouer au minimum de 3 à 10 % du budget du programme aux activités de suivi et évaluation, cette proportion devant être plus proche de 10 % dans les contextes fragiles (UNIFEM, 2009; DFID, 2010).
- Déterminer l’ampleur de l’implication des acteurs de la sécurité et ceux qui sont les plus concernés par l’initiative. Les institutions de sécurité, qui sont souvent des entités de grande envergure comportant différentes sections et divisions (gens de terrain, personnel administratif, responsables de la gestion et de la supervision), présentent des variations notables quant à leur objet, leur fonction et leur orientation. Il est important de déterminer l’identité des personnes et des groupes ciblés par l’initiative afin de faciliter le processus du repérage des changements, de leur évaluation et, si possible, des facteurs auxquels ils sont dus. Ceci revêt une importance particulière du fait des relations fréquentes des diverses sections des institutions entre elles (OECD/ DAC, 2011). Lorsque l’on applique une approche multisectorielle, il peut être plus efficace de faire porter le suivi et évaluation sur le travail des acteurs de la sécurité en tant que composante d’un grand mécanisme de réponse, plutôt que d’essayer de mesurer l’impact du secteur de la sécurité considéré isolément. Le suivi peut également porter sur une institution particulière (ex.: la police) ou sur un système donné (ex.: justice pénale, couvrant la police, la justice, les prisons), ce qui est plus réaliste étant donné que la plupart des programmes ne s’adressent pas à l’ensemble de la gamme des acteurs du secteur.
- Faire appel à de multiples sources de données conjuguées pour combler les lacunes. Les systèmes nationaux et les capacités présentes dans les institutions de sécurité pour le recueil, le traitement, le stockage et l’analyse des données peuvent être faibles ou faire entièrement défaut. L’obtention de données exactes sur les expériences de la violence chez les femmes et les filles, qui sont largement sous-déclarées, est particulièrement difficile pour de multiples raisons. L’inexactitude et l’insuffisance des informations sur la nature et la portée de la violence, et tout particulièrement de la violence sexuelle, entrave les efforts de lutte contre cette même violence (International Alert, 2007; Roth, Guberek and Green, 2011). Et même lorsque l’on recueille les données, il est fréquent que celles-ne soient pas systématisées comme elles doivent l’être pour pouvoir suivre les changements. Il faut, pour la standardisation des systèmes de données et d’information, faire usage dans les plans de suivi et évaluation d’une combinaison de méthodes qualitatives et quantitatives, notamment des registres de la police, des enquêtes sur la victimisation ainsi que d’études approfondies sur l’expérience des femmes et des filles lors de la réponse des services de sécurité aux incidents de violence.
- Explorer la faisabilité d’évaluations conjointes : Les partenariats entre les institutions de sécurité et les organisations de la société civile, en particulier les organisations de femmes, peuvent constituer une option efficace pour encourager la coopération dans le domaine de la violence sexiste et accroître la crédibilité et la validité des résultats signalés et des progrès accomplis par le secteur (voir par exemple le groupe de l’Observatorio pour le plan d’action national du Chili sur la résolution 1325 du Conseil de sécurité). Lorsqu’une telle coopération n’est pas possible, les organisations de femmes et autres groupes de la société civile peuvent être encouragés à mettre en place des systèmes de suivi indépendants et/ou officieux. Voir par exemple l’Étude ce cas (en anglais) sur les postes de police pour femmes en Amérique latine.