Supervision par la société civile

Dernière modification: December 29, 2011

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La participation active des organisations de la société civile, en particulier des groupes de femmes, à l’élaboration des politiques de sécurité et à la supervision des structures, politiques et pratiques des institutions de sécurité est un élément essentiel de la responsabilisation du secteur.  Une telle participation peut :

  • Assurer la prise en compte des divers points de vue et besoins de sécurité de différents groupes de population lors de la planification et de l’élaboration de mesures de sécurité nationales et locales;
  • Renforcer l’appropriation locale des processus de réforme du secteur de la sécurité;
  • Accroître la valeur et la pertinence des intiatives de sécurité de niveau communautaire;
  • Plaider en faveur d’efforts accrus d’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles (Kanani 2008; Barnes and Albrecht, 2008).

Les organisations de la société civile doivent être représentées dans les débats de politique et y contribuer pour jouer un rôle efficace dans le suivi de la responsabilité du secteur. À cet égard, les organismes officiels chargés de la supervision de la sécurité devront comprendre des organisations de femmes, en particulier les groupes qui travaillent avec les survivantes de la violence et plaident en leur faveur (ex.: commissions civiles d’examen, commissions de plaintes publiques et groupes de suivi indépendants). Ces entités mixtes regroupant la société civile et le secteur public peuvent élaborer des politiques et plans d’action nationaux sur la violence à l’égard des femmes, les examiner et coordonner leur application, en veillant à ce qu’ils comprennent des mesures spécifiques et précisent les responsabilités clés des institutions de sécurité.

 

Exemple : Le Partenariat de plaidoyer pour une politique sur la violence à l’égard des femmes et des filles au Ghana

L’Ark Foundation du Ghana est une organisation non gouvernementale de plaidoyer en faveur des droits fondamentaux des femmes. En vue de contribuer à la mise en place d’un cadre de politique coordonné en matière de lutte contre la violence à l’égard des femmes et des filles dans le pays, elle a forgé et dirigé un partenariat réunissant des acteurs étatiques et non étatiques pour faire pression en faveur de l’adoption d’une politique et d’un plan d’action nationaux pour l’application de la Loi sur la violence domestique (Loi 732 de 2007), et pour veiller à ce que cette politique porte sur la problématique de la violence sexuelle et sexiste dans les arrangements institutionnels. Le partenariat a également obtenu l’adoption d’une approche intégrée et coordonnée de la lutte contre la violence à l’égard des femmes et des filles dans le cadre de politique. De 2008 à 2010, l’initiative a mené des activités du suivi pour évaluer le statut d’application de la loi.

Source : Ark Foundation. Monitoring and Advocacy Unit [Groupe du suivi et du plaidoyer].

 

La société civile peut prendre un certain nombre de mesures spécifiques pour tenir le secteur de la sécurité responsable de la qualité de ses prestations, notamment :

  • Exercer un suivi des lois et politiques nationales en matière de sécurité pour s’assurer de leur conformité aux lois internationales et régionales relatives aux besoins de sécurité des femmes, à la violence à l’égard des femmes et des filles et au rôle du secteur de la sécurité. Les organisations peuvent jouer un rôle vital en examinant en continu la conformité des lois nationales aux engagements pris au plan international et régional, par le biais, par exemple, d’un rapport officieux parallèle au rapport gouvernemental sur l’application d’une convention ou d’une résolution telles que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ou la résolution 1325 du Conseil de sécurité. Pour des exemples de rapports parallèles voir les rapports de pays soumis au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (référencés dans la colonne Information provided to the Committee) lors de ses réunions annuelles et l’Initiative des engagements nationaux. (en anglais) de Peace Women.  
  • Surveiller le progrès des processus de réforme des services de police et des forces armées, notamment par des examens indépendants des processus et des résultats, pour s’assurer que les réformes comprennent des mesures visant à améliorer les réponses à la violence à l’égard des femmes, et fournir aux décisionnaires politiques des analyses et des recommandations orientées dans le sens d’une responsabilisation accrue des institutions de sécurité quant à leurs prestations  concernant la lutte contre le problème.

Exemple : Le rôle des femmes dans l’Examen de la sécurité et de la défense nationales de Fidji

À la suite de débats lors d’une Veillée pour la paix organisées par les femmes durant la crise des otages de mai 2000, le Conseil national des femmes de Fidji (en anglais) a pris contact avec les forces armées et a appris à négocier avec les forces de sécurité qui exerçaient une forte influence dans la lutte contre l’instabilité dans le pays. En conséquence, le Commandant des Forces armées fidjiennes a réuni des membres du Conseil militaire et d’autres officiers supérieurs qui ont rencontré les représentantes de la Veillée pour la paix. Celles-ci ont présenté une déclaration dite « Lettre des femmes », qui énonçait la nécessité pour Fidji de revenir à la démocratie parlementaire et pour les forces armées de veiller au respect de la Constitution de 1997 en tant que loi suprême du pays et qui priait instamment les forces armées de respecter les droits de la personne. Bien que la lettre ait fait l’objet d’un accueil respectueux et favorable, la délégation a appris cette leçon vitale qu’il fallait employer le langage des militaires et du secteur de la sécurité dans les futurs dialogues et initiatives de paix.

En 2003, le Conseil national des femmes et la Conseil militaire ont participé à un dialogue national qui a abouti à la formation du Comité de coordination des femmes, de la paix et de la sécurité de Fidiji et à la présentation d’un rapport formel du Conseil national des femmes à l’Examen de la sécurité et de la défense nationales. Ceci a démontré la valeur des contributions que peuvent apporter les réseaux de femmes, au niveau communautaire et national, aux interventions précoces, ainsi qu’à l’identification de points d’entrée pour les femmes au niveau des processus décisionnels locaux et nationaux. Le rapport présenté était axé principalement sur la participation des femmes aux décisions en matière de sécurité, signalait l’obstacle à la participation que constitue la violence à l’égard des femmes et émettait les recommandations suivantes :

  • Le ministère de la Femme devrait être inclus dans le Conseil national de sécurité.

  • La secrétaire permanente du ministère de la Femme devrait être membre permanent du Comité consultatif national de la sécurité.

  • Les femmes devraient être représentées effectivement et équitablement dans les comités de sécurité provinciaux et de district.

  • Les femmes devraient être incluses dans l’Unité nationale d’évaluation de la sécurité.

  • La parité hommes-femmes devrait être assurée dans les organismes décisionnels des forces de sécurité et des efforts devraient être déployés pour recruter des femmes dans les Forces armées.

Au cours du processus, le gouvernement de Fidji a publié un document ministériel sur ces questions, organisé des consultatsion supplémentaires et appliqué les deux premìères recommandations. En 2008, la ministre des Affaires féminines a été nommée membre du Conseil national de sécurité par le gouvernement intérimaire. Du fait de cette nomination, la directrice des Affaires féminines est devenue membre du Comité consultatif du renseignement et d’autres comités de sécurité.

Sources: Hendricks, C. and L. Hutton, (2008) Place du genre dans la réforme de la défense – Dossier 3, Boîte à outils « Place du genre dans la réforme du secteur de la sécurité », Eds. Megan Bastick and Kristin Valasek, Genève: DCAF, OSCE/ODIHR, INSTRAW; communication de Sharon Bagwhan-Rolls, Femlink Pacific; UNDP (2010) Enhancing Security Sector Governance in the Pacific Region: A Strategic Framework [Amélioration de la gouvernance du secteur de la sécurité dans la région Pacifique : Cadre stratégique].

  • Surveiller l’application des politiques et les pratiques, notamment en documentant les cas de violence à l’égard des femmes, et émettre des recommandations sur les réponses des institutions. Les organisations peuvent mener des évaluations sexospécifiques des institutions, des processus, des politiques et des budgets en ce qui concerne la prévention et les réponses (notamment en recueillant des donées désagrégées par sexe), présenter leurs constats et émettre des recommandations concrètes pour les institutions de sécurité. Les organisations de la société civile et communautaires peuvent également jouer un rôle essentiel en recueillant des données sur les divers types de violence à l’égard des femmes, en particulier lorsque les capacités de la police sont faibles. Par exemple, au Timor-Leste, l’ONG Fokupers (en anglais) recueille ses propres données sur les cas de violence signalés par les femmes qui lui demande de l’aide, les publie, les partage et les examine avec le Groupe de police pour les personnes vulnérables, de manière à compléter les données de la police et dans le cadre d’un mécanisme national de renvoi vers divers services des cas de violence sexiste.

Exemple : Recommandations pour les forces armées des États-Unis

Le Conseil consultatif national sur la violence a l’égard des femmes et le Bureau de la lutte contre la violence à l’égard des femmes ont élaboré une trousse à outils (en anglais) contenant les recommandations suivantes à l’intention des forces armées américaines en vue d’améliorer leur réponse à la violence à l’égard des femmes :

  • Faire usage de la Task-force de la défense sur la violence domestique. Examiner, évaluer, appuyer et accroître les efforts d’élimination de la violence domestique déployés par le ministère de la Défense.

  • Établir une task-force pour lutter contre les actes d’agression sexuelle. Créer un organisme complémentaire de la Task-force de la défense sur la violence domestique (en anglais) pour connaître ces cas d’agression sexuelle au sein des forces armées ou commises par des membres des forces armées.

  • Évaluer l’incidence de l’agression sexuelle, du viol dans les relations amoureuses, de la violence domestique et du harcèlement sexuel chez les membres des forces armées non mariés et leurs partenaires intimes. Continuer d’identifier et d’évaluer les politiques et les pratiques en vigueur au sein des unités qui encouragent directement ou indirectement des activités qui portent atteinte à la sécurité des femmes.

  • Améliorer la coordination entre les communautés militaires et civiles. Mettre en place un mécanisme de réponse communautaire coordonnée aux crimes comprenant des agressions sexuelles, notamment la prostitution forcée, les violences dans les relations amoureuses, la violence domestique et le harcèlement sexuel (commis sur les bases militaires et à l’extérieur).

  • Améliorer les interventions militaires et continuer d’y avoir recours pour lutter contre la violence domestique et l’éliminer. Œuvrer en coopération avec les communautés civiles et militaires pour améliorer les efforts d’intervention et de prévention.

  • Continue d’apprendre aux cadres et aux troupes comment prévenir l’usage non autorisé de la violence pendant toute la durée de leur service actif. Souligner le fait qu’un leadership solide est nécessaire à tous les niveaux pour renforcer la formation et la gestion du personnel.

  • Veiller à ce que des avocats des victimes ayant reçu une formation spécialisée soient disponibles dans chaque installation et à ce que les femmes des bases militaires aient accès aux avocat(e)s des victimes de la communauté civile locale. Faire connaître la disponibilité de lignes d’urgence téléphoniques et de services d’intervention civils et militaires dans toutes les installations.

  • Continuer d’offrir des services d’aide pluridisciplinaires aux victimes et aux délinquants. Recommander des ressources et des financements supplémentaires ou la réallocation de ressources existantes.

  • Enregistrer tous les cas signalés d’agression sexuelle, de violence dans les relations amoureuses, de violence domestique, de harcèlement sexuel et d’association de personnels militaires  à des femmes victimes de prostitution forcée dans une base de données appropriées du ministère de la Défense. Examiner les activités de tenue des données et recommander des moyens d’améliorer le suivi des cas comportant des actes de violence à l’égard des femmes.’

(National Advisory Council on Violence Against Women and the Violence Against Women Office. Toolkit to End Violence Against Women. Chapter 15. The Role of the U.S. Military in Preventing and Responding to Violence Against Women [Trousse à outils pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Chapitre 15. Le rôle des forces armées des États-Unis dans la prévention de la violence à l’égard des femmes et la réponse à cette violence]).

  • Sensibiliser le public et les médias aux responsabilités des acteurs de la sécurité, à l’importance de la déclaration des incidents à la police, aux processus de déclaration et aux mécanismes disponibles pour tenir les personnels de police responsables de leurs actes.
  • Établir des réseaux qui œuvreront à la résolution des problèmes relatifs à lasécurité et à la violence à l’égard des femmes, réseaux qui peuvent contribuer :
    • Au partage de l’information appropriéee sur les ressources et le savoir sur le rôle des institutions de sécurité dans la prévention de la violence et la réponse à la violence;
    • À une solidarisation des organisations actives dans le domaine de l’élimination de la violence (par la recherche, le dialogue et les échanges);
    • Au renforcement des capacités des membres concernant les problèmes critiques et les méthodologies essentielles de recherche et de plaidoyer;
    • À la facilitation de la coordination des systèmes d’orientation et de fourniture de services pour les femmes et les filles;
    • À aider la police à repérer les environnements vulnérables qui aggravent l’insécurité;
    • Au plaidoyer interrégional pour améliorer les réponses aux conflits et à la traite des êtres humains;
    • À éclairer les politiques et les programmes nationaux et internationaux sur les femmes, la paix et la sécurité;
    • Au plaidoyer en faveur d’un intérêt accru pour la prévention de la violence sexiste et en faveur d’investissements supplémentaires dans ce domaine.
  • Focaliser l’attention sur la durabilité à long terme des of initiatives engageant le secteur dans la résolution du problème (ex.: efforts d’institutionnalisation de la formation sur les droits de femmes et la violence sexiste; promoting d’apport de services conjoints avec les organismes gouvernementaux locaux et nationaux; aide à la mise en place d’un réseau d’orientation fonctionnel).

 

Exemples de réseaux de la société civile axés sur la sécurité et luttant contre la violence à l’égard des femmes

  • L’International Association of Women Police vise à « renforcer, unir et rehausser le profil des femmes dans la justice criminelle au niveau international ». Ses objectifs spécifiques sont les suivants : accroître la visibilité des questions relatives au genre par des changements de politiques et de procédures (par exemple pour les politiques en matière de ressources); accroître l’aptitude des femmes à exceller en leur offrant des possibilités de développement professionnel; veiller à ce que les accomplissements des femmes et leurs contributions à la justice criminelle et à la société soient reconnus; encourager la formation de réseaux et l’apport d’appuis par les pairs.
  • Le Global Consortium on Security Transformation, mené par des pays du Sud, vise à l’apport de nouvelles voix et à l’adoption de nouvelles perspectives dans les débats sur la réforme du secteur de la sécurité par la recherche, le dialogue et les relations de réseau. Il soutient des projets sur la sécurité des femmes et sur la lutte contre la violence à leur égard en Afrique, en Asie et en Amérique latine, en s’intéressant notamment à la réponse des acteurs de la sécurité.
  • Le réseau Women Peace and Security Network Africa (WIPSEN-Africa) a été créé en 2006 au Ghana en tant qu’organisation panafricaine focalisée sur les femmes, ayant pour mandat fondamental la promotion de la participation stratégique et du leadership des femmes en matière de gouvernance de la paix et de la sécurité en Afrique. Il opère principalement en Afrique de l’Ouest et met en œuvre des programmes ayant trait aux femmes, à la paix et à la sécurité (y inclus à la réforme du secteur de la sécurité), au leadership des femmes et à leur participation aux processus décisionnels dans le domaine de la paix et de la sécurité, et à leur rôle dans le relèvement au lendemain des conflits.
  • Le groupe Gender Action for Peace and Security, au Royaume-Uni, est un groupe de travail spécialisé réunissant des ONG, des enseignants et des groupes de base s’intéressant à la paix et au développement, fondé en 2006 et se concentrant sur l’appui de l’application de la résolution 1325 du Conseil de sécurité; il facilite l’intégration réelle de perspectives genre dans tous les aspects de la politique et des pratiques nationales relatives à la paix et à la sécurité et assure un suivi de cette intégration.

Pour d’autres organisations pertinentes, se reporter au Peace Women Portal (en anglais).

Outils clés :

Place du genre dans le contrôle du secteur de la sécurité par la société civile – Dossier 9, Boîte à outils « Place du genre dans la réforme du secteur de la sécurité » (Barnes, K. And Albrecht, P. Eds. Bastick and Valasek, 2008). Ce dossier constitue une ressource utile pour les organisations de la société civile actives en matière de supervision du secteur de la sécurité, ainsi que pour celles qui souhaitent jouer un rôle plus actif à cet égard. Il contient une introduction sur l’importance et les avantages de l’intégration des questions de gener dans la supervision du secteur de la sécurité par la société civile et propose des exemples et des recommandations pratiques. Disponible en arabe, anglais, français et indonésien.

Public Oversight of the Security Sector: A Handbook for CSOs on Democratic Security Governance [Supervision publique du secteur de la sécurité] (Capriani, Cole E. and Kinzelbach, K., 2008). Ce manuel destiné aux organisations de la société civile et aux ONG offre un aperçu général des considérations conceptuelles et pratiques sur les aspects de la supervision qui se prêtent à l’implication de la société civile. Il est également utile pour les institutions démocratiques et représentatives, les décisionnaires politiques, les praticiens et les chercheus, les institutions du secteur de la sécurité, les médias, ainsi que les organisations régionales et internationales faisant équipe avec la société civile en matiere de supervision publique du secteur de la sécurité. Il contient un chapitre consacré au genre et à la gouvernance démocratique de la sécurité qui indique les avantages de l’intégration des questions de genre dans le secteur de la sécurité. Disponible en anglais