- Lorsque l’action de plaidoyer porte sur le recours à une entité étatique en vue de la modification d’une loi, d’une politique, d’une procédure ou d’un règlement, il appartient aux responsables du projet d’étudier à fond la structure de l’État afin de comprendre le système, les procédures et l’assise politique qui seraient susceptibles d’influer sur le déroulement de l’action de plaidoyer. Celle-ci variera en fonction des différences dans les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Il importe que les défenseurs des droits étudient soigneusement l’équilibre des pouvoirs et le rôle dévolu à chacun, ce qui permettra de guider la stratégie de plaidoyer.
- Ainsi, alors qu’ils travaillaient à la rédaction d’un avant-projet de loi sur la violence familiale, en Arménie, les militants ont étudié la forme du régime parlementaire et les règlements de procédure au sein du parlement, ainsi que la voie la plus typique et la plus efficace pour présenter un texte législatif, soit directement en passant par un membre du parlement, soit en passant par les représentants de l’exécutif.
- Dans certains pays, tous les parlementaires ne sont pas nécessairement des élus. Ils peuvent être désignés par un parti politique, auquel cas les citoyens ont moins d’influence sur eux. D’un autre côté, des défenseurs très liés à un parti donné peuvent s’estimer habilités à discuter de leurs objectifs avec les dirigeants de ce parti qui, à leur tour, demanderont aux membres du parlement de les soutenir. Le mode d’accession au parlement, que ce soit par la voie électorale – directe ou indirecte – ou à la suite d’une nomination par un parti, n’est pas sans conséquences sur l’influence que peuvent avoir les ONG dans le processus et sur le calendrier de leurs interventions.
Respect des règles du droit national, régional et international
- Outre qu’ils doivent connaître la structure de l’État, les défenseurs des droits doivent aussi étudier la question de savoir si le pays en question respecte le droit international, régional et national. Le respect ou le non-respect de ces normes peuvent faire d’excellents arguments en faveur de la cause défendue. Par exemple, alors que de nombreux pays ont signé la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) et peuvent avoir également signé des traités régionaux prohibant les violences à l’égard des femmes, comme la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme (Convention de Belém do Pará), ils n’ont pas forcément inscrit les principes de ces conventions dans leur droit national ou local, qu’elles soient anciennes ou nouvelles.
- Un État est tenu de protéger les femmes et les filles vivant sur son territoire contre toute violence, que l’auteur de cette violence soit une personne privée ou un agent de l’État. Il doit également respecter les normes internationales protégeant les personnes contre la violence en temps de paix, en cas de conflit ou en temps de guerre. Voir : Pour que les droits deviennent réalité – Agir pour mettre fin à la violence contre les femmes, Amnesty International, p. 11, 2004. Un État ne saurait se prévaloir d’une quelconque culture pour justifier les violences à l’égard des femmes et des filles.
- Avant d’œuvrer à faire modifier la législation relative à la violence à l’égard des femmes et des filles dans un pays donné, il y a lieu d’examiner les grands textes ci-dessous qui peuvent fournir non seulement des arguments juridiques en faveur des modifications envisagées, mais aussi des stratégies.
- La Constitution nationale
- La Loi électorale nationale
- La législation nationale en matière d’immigration et de droit d’asile
- La législation nationale en matière de violence à l’égard des femmes et des filles
- Les plans nationaux de lutte contre la violence à l’égard des femmes et des filles
- Les codes pénaux nationaux ou locaux
- Les codes de procédure pénale nationaux ou locaux
- Les codes civils nationaux ou locaux
- Les codes administratifs nationaux ou locaux
- Les lignes d’orientation officielles concernant la police, le parquet et les tribunaux
- Les traités et accords régionaux
- Le système européen des droits de l’homme (site en anglais)
- Le système interaméricain des droits de l’homme
- Le système africain des droits de l’homme (site en anglais)
- Les instruments arabes et islamiques des droits de l’homme (site en anglais)
- Les traités et accords internationaux
- Le droit international en matière de droits de l’homme (site en anglais)
- Le droit international humanitaire (site en anglais)
- Le droit pénal international (site en anglais)
- Les défenseurs des droits doivent passer soigneusement en revue chacune de ces catégories d’instruments juridiques, poser les questions essentielles relatives aux droits fondamentaux des femmes et des filles dans la législation en vigueur, et savoir dans quelle mesure l’État fait respecter ces droits ou pas. Ils peuvent établir une liste de questions importantes à poser sur la législation nationale, le droit international des droits de l’homme, le droit international humanitaire, le droit pénal international et les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme. Voir : Pour que les droits deviennent réalité – Agir pour mettre fin à la violence contre les femmes, Amnesty International, p. 11-13, 2004.
- Ils peuvent aussi passer en revue la législation nationale relative à la liberté d’accès à l’information grâce au Réseau en ligne des défenseurs de la liberté de l’information (en anglais, 2009). Ce site propose des pages par pays et des liens vers les sections pertinentes des constitutions et législations nationales.
- Dans son Guide des ressources pour une action en vue d’une réforme législative : la promotion des droits de l’homme en Bosnie-Herzégovine (en anglais), Global Rights traite de la législation relative à la liberté d’accès à l’information et du fait qu’elle permet d’obtenir des informations détenues par l’État et nécessaires au travail de plaidoyer. Le Guide recommande qu’une première demande, informelle, transite par des contacts au sein du gouvernement, les demandes ultérieures pouvant ensuite prendre appui sur cette législation. Voir : Global Rights, Legislative Advocacy Resource Guide : Promoting Human Rights in Bosnia and Herzegovina (Guide des ressources pour une action de plaidoyer en vue d’une réforme législative : la promotion des droits de l’homme en Bosnie-Herzégovine), p. 43, 2005.
ÉTUDE DE CAS : l’affaire Ouganda c. Matovu souligne que les tribunaux ont un rôle important à jouer, à savoir veiller à ce que la législation nationale respecte les obligations légales internationales, y compris au niveau des règlements et procédures. En Ouganda, une règle de la common law voulait que lorsqu’une victime affirmait que le défendeur avait commis un crime sexuel à son encontre, le tribunal devait considérer risqué de se fier au seul témoignage non corroboré de la victime. En conséquence, le tribunal devait effectuer un certain nombre de vérifications supplémentaires pour se convaincre de l’honnêteté de la victime en tant que témoin. Dans l’affaire Ouganda c. Matovu, le juge avait à connaître du cas d’un jeune homme accusé par une femme de l’avoir « souillée » et a estimé que cette règle était discriminatoire vis-à-vis des femmes et reposait sur l’hypothèse que les femmes et les filles ont tendance à mentir dans les affaires de violences sexuelles. Le juge a reconnu que la règle en question représentait une violation de l’obligation faite à l’Ouganda par la CEDAW d’éliminer toute discrimination, ainsi qu’une violation de la Constitution ougandaise qui garantit une égale protection par la loi pour tous. Le défendeur a été condamné à une peine de 10 ans d’emprisonnement. Cette affaire souligne combien il est important de prendre en compte un vaste éventail de lois, de politiques et de règlements pour vérifier dans quelle mesure elles respectent les règles du droit international. Il est notamment essentiel pour protéger les femmes de s’assurer que les juges sont correctement informés des lois, des politiques et des règlements de procédure qui pourraient être en violation des obligations internationales du pays. Voir : Jugements du programme Droit de l'égalité (en anglais), Association internationale des femmes juges ; Global Justice Center, Legal Tools for the Establishment of Gender Equality through International Law (Centre pour la justice mondiale, outils juridiques pour la réalisation de l’égalité des genres par le droit international), p. 18, 2007.