Les principales étapes de la planification, de la mise en œuvre et de l’évaluation des initiatives de formation de la police sont les suivantes :
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Effectuer une évaluation des besoins de formation, de préférence avec la participation des cadres et du personnel de la police ou des forces armées ou en étroite collaboration avec eux. Cette évaluation devrait identifier les pratiques des personnels, recueillir les opinions des communautés sur les efforts déployés pour lutter contre la violence à l’égard des femmes et déterminer les manques spécifiques en matière de connaissances, de sensibilisation et d’aptitudes du personnel. Voir par exemple l’évaluation des besoins utilisée pour éclairer l’élaboration d’une formation appuyée par l’UNICEF pour la Police de l’État de Karnataka (Inde).
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Effectuer une analyse de situation, portant sur le rôle des institutions/acteurs du secteur de la sécurité (prévention et réponse). Il pourra s’agir de compiler les politiques, protocoles et procédures permanentes de réponse de la police et d’enquête, sur les actes commis par des civils ainsi que par des personnes de la police ou des forces armées. On analysera les rapports sur les cas de violence et le progrès de leur traitement. Il est important d’inclure les affaires closes et de noter : les raisons de la clôture (arrestation/exception telle que décès, suspect non identifié/introuvable, manque de preuves dans un sens ou dans l’autre, fausse accusation, ou affaire non résolue). Ces informations aident à comprendre comment les services de police traitent les rapports externes et internes et à déterminer les connaissances nécessaires lors de la planification d’un programme de formation.
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L’approche de la formation devrait être participative et offrir de nombreuses possibilités d’apprentissage individuel et collectif, de réflexion et de discussion en incluant des exercices pratiques qui font appel à toute une gamme de méthodes, impliquant des travaux avec un/une partenaire, des activités en petits et en grands groupes, tels que :
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Des exercices de brainstorming (ex.: causes et conséquences de la violence)
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Des jeux de rôle et des simulations (ex.: exercices pour pratiquer les étapes de la réception et de l’interrogation des survivantes)
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Des débats et des activités de résolution de problèmes axés sur une étude de cas ou un sujet hypothétique (ex.: techniques d’interrogation)
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La pratique de scénarios et de cas réels (ex.: accueil de survivantes; réponse à un appel d’aide en cas de violence domestique)
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Des exercices « aquarium » où des participants jouant un rôle sont observés, et où les comportements font ensuite l’objet de discussions du groupe;
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Des devoirs à faire chez soi, tels que la production d’un jeu de rôle ou l’élaboration de réponses à un cas spécifique;
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L’emploi de matériels audiovisuels (ex.: vidéos, émissions de télévision, affiches, etc.);
- Des exercices individuels et en groupe de formulation de questions (ex.: préparation d’une série de questions appropriées pour interroger des survivantes de la traite des personnes ou leurs partenaires avec des exemples de dialogues appropriés et non appropriés entre la police et les survivantes)
- Des jeux pour développer l’aptitude à écouter (ex.: se rappeler une série d’événements ayant trait à un cas d’abus spécifique, ou les soucis relatifs à la sécurité exprimés par une femme ou une fille déclarant un incident)
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Si possible, on utilisera des exemples pratiques à pertinence locale sur des cas de violence ou d’abus spécifiques et sur la façon dont ils ont été traités, en s’assurant de protéger l’anonymat des personnes concernées par les exemples choisis.
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Les formateurs et les facilitateurs devraient posséder des connaissances spécialisées dans le domaine et justifier d’antécédents professionnels ou d’une appartenance institutionnelle ou culturelle pour établir leur légitimité, instaurer des relations de confiance et favoriser la participation (Farrell, 2011).
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Dans certains cas, il est utile de recourir à différents praticiens qui contribuent au programme de formation (ex.: un avocat pour les dispositions juridiques relatives à la violence à l’égard des femmes; un procureur pour le recueil des éléments de preuve et la documentation; un médecin pour les incidences de la violence sur la santé et les questions de traitement à envisager par la police lors de la réponse aux incidents). Ceci peut accroître la crédibilité de l’information présentée aux apprenants.
Exemple : Cours de formation de la police sur la violence domestique (Malé, Maldives)
En 2005, le ministère du Genre, du Développement familial et de la Sécurité sociale, avec l’appui du British Council, a organisé une formation pour les personnels de police de différents grades de Malé sur la réponse au problème de la violence à l’égard des femmes et notamment de la violence domestique, en vue d’améliorer les services fournis aux survivantes. La formation visait à amener les participants à :
- Bien comprendre la violence à l’égard des femmes, notamment la violence domestique, en tant que problème notable;
- Comprendre le genre et son rapport avec la violence;
- Identifier les victimes de la violence domestique;
- Communiquer avec les victimes de manière appropriée et non intimidante;
- Plaider en faveur de stratégies pour éliminer la violence domestique;
- Partager leurs connaissances avec leurs collègues.
Au nombre des participants figuraient 20 membres de la police (de l’unité de protection de la famille et de l’enfant, de la police en uniforme et un membre du service médico-légal), la majorité ayant le grade d’agent, avec 1 sergent, 2 caporaux et 2 caporaux suppléants.
La formation a compris des exposés informels et des travaux en petits groupes où les participants ont réagi et débattu des questions présentées. Des conférenciers invités sont également intervenus, et notamment :
- Un conseiller qui a présenté une étude de cas détaillée;
- Un médecin qui a présenté plusieurs études de cas et parlé des implications pour la santé;
- Un représentant du Service de police des Maldives qui a souligné les questions intéressant la police locale;
- Des avocats qui ont parlé de la législation en vigueur et de ses implications pour les enquêtes sur la violence domestiques.
Depuis son lancement en 2005, la formation a été intégrée dans un programme d’étude d’un an sanctionné par un diplôme, conçu par l’Académie de police et agréé par le Comité d’accréditation des Maldives. Outre le cours sur la violence domestique, le programme couvre la science médico-légale, la criminologie, les concepts modernes d’enquête criminelle, le droit et les procédures, l’éthique et la responsabilisation de la police, le leadership, l’administration policière et la maltraitance des enfants.
Source : Site Web de la Police des Maldives; Gregg L. 2005. Educating Police in Domestic Violence and Violence Against Women [Éduquer la police sur la violence domestique et la violence à l’égard des femmes]. Gouvernement des Maldives.
- La formation doit être évaluée soigneusement : En sus des méthodes de planification collaborative permettant aux participants de donner leur avis au stade de la conception et de la définition du contenu du cours, il convient d’inclure dans les programmes des activités, avant, pendant et après la formation, pour mesurer les contributions pouvant être associées à celle-ci et son impact sur les connaissances, les attitudes et (à moyen ou à long terme) les pratiques des individus et des unités, pour s’assurer de la pertinence et de l’efficacité des programmes. Parmi les méthodes d’évaluation des résultats de la formation figurent :
- Les tests pré-formation et post-formation (établissant la situation de référence et évaluant les résultats de l’apprentissage); ces tests doivent être adaptés aux objectifs d’apprentissage spécifiques et aux sujets couverts;
- Des visites d’observation post-formation ou des techniques qualitatives telles que celles du changement le plus significatif; (voir aussi la section Suivi et évaluation du présent module);
- Des évaluations du personnel, importantes pour mesure l’application des pratiques préconisées par la formation sur la violence sexiste sur les lieux de travail, suivre les progrès des connaissances et des aptitudes acquises sur la question et mettre en évidence l’importance attachée à la question en tant que composante du développement professionnel;
- Des évaluations des participants, par lesquelles ceux-ci donnent leur avis sur l’approche, le contenu et l’ensemble du programme de formation.
Spécimens de questions d’évaluation pré- et post-formation ayant trait à la compréhension de la violence à l’égard des femmes et à la réponse aux incidents
- Nommez cinq formes distinctes de violence à l’égard des femmes.
- Nommez cinq effets physiques et/ou psychologiques de la violence sexuelle sur les survivantes.
- Quelles sont les trois responsabilités de la police en matière de violence sexiste ?
- Nommez trois raisons qui font qu’une femme ou une fille peut ne pas vouloir déclarer un incident à la police ?
- Expliquez pourquoi il est important que la police obtienne le consentement de la survivante avant de l’interroger ?
- Donnez deux exemples de questions appropriées à poser à une survivante pour s’informer sur l’incident déclaré au cours du processus d’interrogation.
- Comment un agent de police fait-il preuve d’aptitudes à l’écoute active ?
- Que peuvent faire les personnels de la police pour donner confiance aux survivantes, les encourager à dire ce qui s’est passé et demander de l’aide ?
- Décrivez le processus de planification de la sécurité avec une survivante.
- Nommez trois autres secteurs/organismes avec lesquels la police devrait prendre contact lorsqu’elle intervient dans un cas de violence domestique.
Adapté d’après : IASC Gender-based Violence Area of Responsibility Working Group, 2010. Caring for Survivors of Sexual Violence in Emergencies Training Pack- Pre-Post Assessment. [Dossier de formation à la prise en charge des survivantes de violence sexuelle dans les situations d’urgence – Évaluation pré- et post-formation] GBVAOR. New York; UNFPA. 2009. Advanced Training of Trainers Workshop - Supporting Survivors of Violence: Pre-Post Test [Atelier avancé de formation des formateurs – Appui des survivantes de la violence : Test pré- et post-formation]. UNFPA and Ministry of Social Affairs. Nyala.
Exemple : Questionnaire post-formation
Veuillez noter les points suivants sur un barème de 1 à 5 (1 = médiocre, 5 = excellent)
1. Valeur de ce sujet par rapport à mon travail ____
2. Utilité du contenu du cours ____
3. Méthodes de présentation utilisées ____
4. Aptitude du formateur à transférer les connaissances ____
5. Atmosphère favorable à la participation ____
6. Mes opinions ont été prises en considération ____
7. Valeur des fiches d’information ____
8. Pertinence des feuilles de travail ____
Veuillez répondre aux questions suivantes :
9. Y a-t-il des choses que vous souhaiteriez ajouter au cours ?
10. Y a-t-il des choses que vous souhaiteriez supprimer du cours ?
11. Quels sont les aspects du cours qui vous ont plu le plus ?
12. Quels sont les aspects du cours qui vous ont déplu le plus ?
13. Quel est l’aspect du cours que vous avez trouvé le plus utile ?
14. Quel est l’aspect du cours que vous avez trouvé le moins utile ?
15. Le cours était-il ____a) trop long ____ b) trop court ____ c) de la bonne longueur ?
16. Avez-vous des remarques à faire sur la logistique du cours (ex.: logement, nourriture) ?
17. Avez-vous d’autres remarques à faire ?
Extrait de : Tõnisson Kleppe, T. 2008. Formation des personnels du secteur de la sécurité en matière de genre – bonnes pratiques et enseignements tirés. Dossier 12, Boîte à outils « Place du genre dans la réforme du secteur de la sécurité ». Eds. Megan Bastick and Kristin Valasek. Genève : DCAF, OSCE/ODIHR, INSTRAW.
Voir aussi
In-Service Training Program Evaluation Form [Formulaire d’évaluation du programme de formation en cours d’emploi] (Police turque et UNFPA). Disponible en turc.
Pratique prometteuse : Conception du programme de formation sur la violence à l’égard des femmes et des enfants – Police de l’État de Karnataka/UNICEF
En 2001, l’UNICEF a lancé le Projet de sensibilisation au genre et de police conviviale, qui a élaboré un module de formation portant sur la violence à l’égard des femmes et des enfants, à la production duquel ont participé plus de 500 membres de la police, depuis le directeur général et l’inspecteur général jusqu’à des agents affectés à des postes isolés. Le projet a été appuyé par des personnes-ressources et des organisations de défense des femmes et des enfants de tout l’État. Le processus de formation en cours de service a démarré en 2003 puis, en 2005, le projet a été élargi pour couvrir les établissements de formation de la police. En 2007, un projet avait été mis en place dans huit districts du Karnataka du Nord et à Bangalore; ces projets étaient concentrés sur la prévention de la traite des femmes et des enfants et des autres formes de violence à leur égard.
Consciente de la nécessité de prendre l’initiative pour lutter contre la violence à l’égard des femmes, la Police de l’État du Karnataka s’est attachée à dispenser des formations à ses personnels. En décembre 2006, plus de 2 800 membres de la police avaient reçu une formation dans le cadre d’ateliers, dont 327 sous-inspecteurs de probation et 754 agents de probation.
La conception de la formation a commencé par la documentation des procédures et des interactions de la police dans les affaires concernant les femmes et les enfants. L’examen, mené dans 10 postes de police de Bangalore sur une période de 6 semaines, a révélé les faits suivants :
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Très peu d’affaires ayant trait aux femmes et aux enfants signalées à la police étaient consignées dans les registres;
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L’apport de conseils était souvent perçue comme une alternative se substituant à l’enregistrement des déclarations (les personnels de la police se considérant comme des conseillers dans les affaires familiales, plutôt que comme étant chargés d’appliquer la loi);
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L’attitude chez la plupart des personnels était de minimiser la gravité de la violence, ce qui déniait à la plaignante le droit de se pourvoir en justice (y inclus des cas où la plaignante insistait pour porter plainte officiellement mais où la police décidait de ne pas enregistrer la plainte officiellement);
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Les personnels de police étaient plus sensibles aux problèmes des enfants, par comparaison à leur réaction à l’égard des femmes;
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L’intervention dans les affaires de violence à l’égard des femmes et des enfants n’était pas perçue comme relevant des activités « ordinaires » du poste de police local et ces affaires étaient souvent renvoyées au poste de police des femmes.
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Les pouvoirs limités des postes de police des femmes, ainsi que l’abdication générale du système devant ses responsabilités, se traduisaient par une injustice supplémentaire envers les plaignantes.
En réponse, un atelier de trois jours a été élaboré, avec des apports des personnels de police, le programme étant le suivant :
Jour I :
Session 1 Questionnaire sur les femmes et les enfants (rempli au début de la formation)
Session 2 « Redéfinition du rôle de la police » : introduction par un cadre supérieur de la police
Session 3 Session brise-glace avec tous les participants
Session 4 Exercice de groupe soulignant le rôle de la police
Session 5 Jeu de simulation pour rafraîchir les participants
Session 6 « Genre et rapports de puissance – analyse institutionnelle de la violence »
Session6a Travaux de groupe sur les relations entre hommes et femmes
Session 7 Questions relatives à l’administration et à l’atelier
Session 8 Projection d’un film approprié
Jour II :
Session 1 Révision par les participants des sessions de la veille
Session 2 « Droits de l’enfant et responsabilités de la police – législation et procédures »
Session 2a Exercice de groupe pour comprendre les droits de l’enfant
Session 3 Exposé par un collectif d’enfants/une organisation travaillant avec les enfants
Session 4 Jeu de simulation pour rafraîchir les participants
Session 5 « La violence à l’égard des femmes : législation, procédures, problèmes posés à la police »
Session 6 Partage d’expériences par une organisation de femmes
Session 7 Les aptitudes aux conseils psychosociaux dans le travail de la police – aider les plaignantes et savoir quand un soutien spécialisé s’impose
Session 8 Spectacle par une troupe de théâtre locale/un groupe culturel local sur la violence à l’égard des femmes
Jour III :
Session 1 Révision par les participants des sessions de la veille
Session 2 Jeu sur la répartition des ressources et les attitudes
Session 3 « Le VIH/sida et les interactions entre la police et le public »
Session 3a Simulation pour comprendre le genre et la sexualité, par le biais des rapports de puissance
Session 4 « La prévention selon la loi sur les trafics immoraux et problèmes posés à la police »
Session 5 Jeu pour rafraîchir les participants
Session 6 « Les perceptions du public et le comportement de la police »
Session 7 Partage d’expériences et retours d’information des participants avec nouvelle distribution et ramassage du questionnaire sur les femmes et les enfants
Session 8 Programme culturel par les participants et remise des certificats
Vu le succès du projet, la Police d’État du Karnataka s’est engagée à inclure la formation sur la violence à l’égard des femmes dans le programme d’études pour les nouvelles recrues dans les six écoles de formation de la police de l’État.
Voir le Training and Resource Manual for Police Personnel [Manuel de formation et ressources pour les personnels de police] (Karnataka State Police and UNICEF, 2003)
Étude de cas : Formation sur l’aide aux survivantes de la violence domestique
au Honduras
En 2002, l’Institut national de la femme et le ministère de la Sécurité du Honduras ont fait équipe avec le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) pour concevoir et institutionnaliser une formation destinée à la police afin d’assurer la bonne mise en œuvre de la loi de 1997 contre la violence domestique, de veiller au respect des droits des femmes et de faire en sorte que les survivantes aient accès aux recours judiciaires et aux services. Des cours sur la violence domestique et intrafamiliale ont été intégrés dans la formation dispensée par les trois centres d’éducation de la police, le Centre d’instruction de la police, l’Académie nationale de police et le Centre d’éducation supérieure de la police.
Conception du programme de formation
L’initiative a été supervisée par une commission technique regroupant des représentants des trois organisations en contact régulier avec la haute direction de celles-ci. L’initiative de formation sur l’égalité des sexes, les droits des femmes et la violence domestique visait à atteindre une large gamme de personnels de police, comprenant les nouvelles recrues, des étudiants d’un programme d’application de la loi sanctionné par un diplôme et de personnels en service de longue date. Le niveau d’éducation des apprenants allait de la fin des études primaires à la fin des études secondaires et les attitudes de l’ouverture d’esprit au cynisme. Pour vaincre le scepticisme des personnels de police et faire d’eux des alliés des survivantes de la violence domestique, la formation devait être sensible à la culture, adaptée au grade des apprenants, fondée sur la réalité et tenir compte du contexte de chaque centre d’éducation.
Un consultant a été attaché au Centre d’instruction de la police afin de bien comprendre l’organisation et sa culture durant la préparation des matériels. L’Institut national de la femme a rassemblé un groupe d’instructeurs/instructrices qui ont dispensé des formations de sensibilité et des ateliers dans les postes de commandement départementaux de tout le pays de manière à ce que tous les personnels de police aient les mêmes bases sur la question. La formation de deux jours couvrait des sujets tels que la différence entre le sexe et le genre, la santé sexuelle et reproductive, les causes et effets de l’inégalité, les détails de la loi contre la violence domestique et ses incidences sur le rôle de la police. L’Institut a entrepris la formation des formateurs et a remis les manuels, les cahiers des participants, les matériels audiovisuels et les autres matériels pédagogiques au Centre d’instruction de la police, pour une formation initiale de quatre mois.
La première formation étant en cours, les matériels et les méthodes ont été adaptés au programme d’enseignement de l’Académie nationale de police. La formation du Centre d’instruction de la police, programme non sanctionné par un diplôme, comportait 20 sessions de 50 minutes sur une période de 20 jours. Le programme d’enseignement de l’Académie nationale de police, lui, devait être approfondi, les élèves de l’Académie étant de futurs officiers haut gradés et leurs études menant à un diplôme universitaire. La Commission technique a donc décidé de dispenser 60 heures de classes réparties en deux modules, le premier au cours des deux premières années d’études et le second au cours des deux dernières années. La formation insisterait ainsi sur les questions relatives au genre et à la violence à l’égard des femmes au cours des quatre années d’études et soulignerait l’urgence et l’importance de la question pour les futurs chefs de police. Le cours a été intégré au programme de l’Académie pour l’année universitaire 2005.
Le plus grand défi provenait des personnels de police chevronnés qui étaient moins réceptifs et ancrés dans leurs pratiques. Avant de présenter une demande de promotion à un grade supérieur, les personnels de la police ont suivi des cours au Centre d’éducation supérieure de la police. Ils ont manifesté une résistance plus forte aux idées d’égalité des sexes, des droits des femmes et d’application de la loi sur la violence domestique, ce problème étant considéré par beaucoup d’entre eux comme une question familiale et pas un problème juridique. À des fins d’efficacité dans ce contexte, l’approche participative a été complétée par un enseignement direct dispensé par des formateurs expérimentés de l’Institut national de la femme. En sus de la composante théorique, des CD-Rom et d’autres documents et exercices auxiliaires ont été produits en vue de leur emploi hors de la salle de classe. En alliant les connaissances et les compétences des formateurs à des exemples tirés de la réalité, le cours visait à vaincre la résistance obstinée de certains vétérans.
Le matériel du cours a été approuvé aux plus hauts niveaux du gouvernement, notamment par le ministère de la Sécurité et de la Police. Ceci a aidé à obtenir l’adhésion des agents chevronnés accoutumés à se conformer aux impératifs de l’organisation hiérarchique des services de police. À de nombreux égards, la bonne mise en œuvre des initiatives de sensibilité aux questions de genre et l’application de la loi sur la violence domestique ne peuvent réussir qu’avec le soutien des hautes autorités. D’après les rapports fournis par les participants, les changements les plus positifs se sont produits chez les agents chevronnés qui avaient suivi la formation avec réticence.
À la fin de la période initiale de formation de trois ans et demi, 6 529 élèves et membres actifs de la police – 5 624 hommes et 905 femmes – avaient achevé cette formation. Dans le cadre du programme d’enseignement établi, quelque 1 500 hommes et femmes continuent de suivre cette formation chaque année.
Résultats et accomplissements
Le cours sur l’égalité des sexes et la violence domestique, parti d’une phase pilote, est devenu une composante institutionnalisée permanente des centres d’éducation de la police où il est suivi par tous les personnels de police du pays qui acquièrent ainsi des connaissances détaillées en matière de violence domestique, d’égalité des sexes et de santé sexuelle et reproductive. Il est reconnu comme un exemple de pratique optimale dans toute la région.
Principaux accomplissements de la formation :
- La police, y inclus les chefs et les cadres de haut niveau, comprennent mieux les questions féminines, telles que celles de la santé sexuelle et reproductive.
- De nombreuses femmes membres de la police qui ont participé à la formation ont signalé avoir reconnu leur propre situation de maltraitance et celle d’autres membres de leur famille.
- Certains hommes qui ont participé à la formation ont compris que leur comportement au sein de leur famille constituait de la maltraitance et la formation les a aidés à réévaluer leur rôle et leurs actes dans la vie familiale.
- Des agents chevronnés ont noté qu’ils comprenaient mieux la violence domestique et se rendaient compte que l’inégalité des sexes et la violence à l’égard des femmes ne sont pas des mythes mais des réalités pour de nombreuses femmes.
- Les personnels de la police sont mieux à même de prévenir la violence domestique et d’y répondre. Après avoir achevé la formation, la police a gagné en crédibilité auprès des femmes et des personnes affectées par la violence domestique.
Changements généraux auxquels la formation a contribué :
- On a noté une augmentation appréciable du nombre d’incidents de violence domestique déclarés, ce qui est attribuable non pas à un accroissement de cette violence mais à une meilleure application de la loi par la police et à de meilleures relations communautaires.
- Les postes de police se sont dotés de nouveaux registres pour les affaires de violence domestique et intrafamiliale, ce qui aide à documenter le problème et permet de mieux y répondre.
- La loi contre la violence domestique et la Politique nationale de la femme font l’objet d’une diffusion et d’une promotion dans tout le pays.
- L’Institut national de la femme et la police ont établi un service d’aide téléphonique d’urgence qui fournit des informations et des conseils aux victimes de la violence domestique et qui les oriente vers les services d’urgence. Les femmes et autres personnes affectées par la violence intrafamiliale peuvent appeler le 114 et parler à une personne ayant reçu une formation pour demander conseil ou signaler la commission d’un crime.
- Une unité Genre a été établie au sein de la police; elle est dotée d’un personnel spécialement formé qui répond aux actes de violence commis à l’égard des femmes.
- La formation a souligné la sous-représentation des femmes dans les services de police. En réaction, des efforts supplémentaires ont été déployés pour recruter des femmes et pour accroître leur présence dans les centres d’éducation de la police.
- Un programme sanctionné par un diplôme de maîtrise en sécurité humaine, comprenant des cours sur la santé sexuelle et reproductive et sur l’égalité des sexes, est aujourd’hui offert au Centre d’éducation supérieure de la police.
- La formation de la police nationale sur la violence domestique et les droits des femmes a retenu l’attention régionale et fait figure de modèle qui encourage les autres pays à adopter des programmes analogues; elle a également accru la visibilité de l’Institut national de la femme.
Leçons à retenir
- Le succès de l’initiative repose sur le travail d’équipe, l’octroi de responsabilités spécifiques aux organismes concernés et le soutien des plus hauts niveaux hiérarchiques. D’entrée de jeu, des communications directes ont été établies entre la Secrétaire de l’Institut national de la femme et des fonctionnaires de haut niveau du ministère de la Sécurité, notamment le Superviseur général de la police préventive, le Directeur général de l’éducation de la police, les chefs des trois centres d’éducation de la police et le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA). L’ouverture des communications, la transparence et le soin apporté à la planification ont été d’une importance toute particulière, car les organisations n’étaient guère accoutumées à travailler en collaboration avant la formation.
- La formation des formateurs doit être complète et détaillée, bien planifiée et comporter un processus de sélection rigoureux. Les formateurs provenaient des centres d’éducation de la police.
- L’engagement et la volonté politique doivent venir d’en haut. La nature hiérarchique des forces de police exige que les hauts dirigeants croient en la mission, appuient la formation et attendent de leurs subordonnés qu’ils soutiennent l’égalité des sexes et s’acquittent de leurs obligations de protéger les femmes de la violence. Si les agents des grades subalternes sont chargés d’appliquer la loi sans engagement de la part de leurs superviseurs, l’impact de la formation sera réduit.
- Si la police est l’un des premiers intervenants lors des incidents de violence domestique, il est important que d’autres organismes et institutions apportent un soutien complémentaire, tels que des conseils psychosociaux, des services de santé complets (comprenant les traitements immédiats et les soins continus) et l’éducation. Toutes les institutions concernées par la santé et la sécurité des femmes doivent communiquer et coordonner leurs activités, de manière à éviter les redondances et à optimiser l’emploi des ressources.
- Les instructeurs et les formateurs doivent être prêts à affronter la résistance des apprenants. La question de la violence domestique était un sujet sensible pour de nombreux participants en raison de convictions sociales profondément ancrées. De bonnes aptitudes à la communication et de bonnes techniques d’établissement de la confiance, ainsi qu’un programme d’enseignement reposant sur des bases solides tant théoriques que pratiques sont nécessaires pour surmonter les obstacles.
- Des moyens financiers suffisants et des procédures rationnalisées sont nécessaires. Les moyens budgétaires limités attribués à l’initiative a été source de difficultés et a exigé du personnel qu’il fournisse un nombre extraordinaire d’heures de travail, week-ends inclus, sans rémunération supplémentaire.
- Pour mieux servir les survivantes ainsi que pour dispenser une formation adaptée à la police, des évaluations en continu et opportunes doivent être prévues avant, pendant et après les formations. Les retours d’information des apprenants ainsi que les sondages d’opinion du public sur la réponse de la police peuvent aider à affiner le programme de cours et permettre aux forces de police de répondre plus efficacement à la violence domestique.
Pour visionner une vidéo sur le programme de formation de la police, cliquer ici.
Source : United Nations Population Fund, (2008) Programming to Address Violence Against Women: 8 case studies (volume 2) [Les programmes de lutte contre la violence à l’égard des femmes : 8 études de cas (volume 2)]. UNFPA, New York.
Outils clés :
Référenciel d’évaluation des besoins concernant l’action de la justice pénale contre la traite des êtres humains (Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, 2010). Cette ressource a été élaborée par l’ONUDC dans le cadre de l’Initiative mondiale des Nations Unies contre la traite des êtres humains. Elle a pour objet de fournir des conseils complets pour l’évaluation de la réponse du système de justice criminelle à la traite des personnes dans un pays donné. Elle envisage les réponses du système de justice criminelle de façon très large, en y incluant tous les acteurs intervenant dans les poursuites appropriées des auteurs des actes de violence, toutes les mesures prises à cet effet et toutes les actions visant à aider les victimes de la traite des personnes. Le Questionnaire d’évaluation des besoins de formation figurant à l’annexe A peut être utilisé spécifiquement pour déterminer les besoins de formation des institutions du secteur de la sécurité luttant contre la traite des personnes ou adapté pour déterminer les besoins de formation en matière de prévention et de réponse concernant d’autres formes de violence à l’égard des femmes et des filles. (Voir aussi les conseils et les outils de la sous-section sur l’évaluation des besoins, section Planification et conception du présent module). Disponible en français, anglais, arabe, chinois, espagnol et russe. [add all languages to Spanish and English, including to English online].
Caring for Survivors of Sexual Violence in Emergencies Training Pack [Dossier de formation aux prestations de service pour les survivantes de la violence sexuelle dans les situations d’urgence] (IASC Gender-based Violence Area of Responsibility Working Group, 2010). Ce dossier est destiné aux prestataires de services de santé tels que les médecins et agents de santé, ainsi qu’aux membres des professions juridiques et de la police, aux groupes de femmes et aux autres prestataires de services travaillant avec les survivantes de la violence sexuelle et les appuyant. Il contient un guide de formation, des manuels du participant et du facilitteur, des présentations Powerpoint et des matériels à distribuer. Disponible en anglais.
Gender and Security Sector Reform Training Resource Package: Monitor and evaluate the training [Dossier de ressources de formation en matière de genre et de réforme du secteur de la sécurité : suivi et évaluation de la formation] (DCAF, 2009). Faisant partie d’un dossier de ressources plus général, ces matériels sont destinés aux formateurs et aux facilitateurs. Il donne un bref aperçu des méthodes applicablespourle suivi et évaluation des formations dans le secteur de la sécurité. Disponible en anglais