- Il est important d’établir un système de données sécurisé et précis pour documenter et gérer de manière appropriée les cas de violence déclarés et pour y réagir. En sus des pratiques de gestion des cas systématiques et axées sur les survivantes, une bonne gestion de l’information et des dossiers est essentielle pour renforcer la capacité de réponse institutionnelle et peut être d’une aide précieuse pour la responsabilité et le suivi des performances à l’interne.
- La mise en place d’un système de données complet peut produire des informations clés sur :
- La fréquence et l’incidence des différentes formes de violence signalées;
- Les groupes (et les zones) à risque ainsi que les auteurs des actes de violence, ce qui peut être utile pour cibler les informations et éclairer les plans de sécurité et les politiques en matière de violence;
- Le respect de la part du personnel des procédures et protocoles de gestion des cas (ex.: protocoles sur les interventions, les enquêtes, les interrogatoires, la protection des victimes, etc.);
- Le devenir des dossiers tout au long du processus – déclration, enquête, saisine des tribunaux, poursuites – ce qui peut aider à repérer les obstacles à la justice.
- Il est bon que le personnel de police (ou des forces armées s’il y a lieu) enregistre des données standardisées sur chaque incident. Lorsqu’il n’existe pas de mesures uniformisées de recueil des données en place au niveau de l’institution, chaque poste devrait standardiser le type de données recueillies et le format d’enregistrement et d’archivage.
- Pour minimiser les risques de retraumatiser les femmes et les filles, seules doivent être recueillies les données nécessaires pour établir un rapport ou enquêter sur l’affaire (au moyen de techniques d’interrogatoire appropriées). Ces données devraient comprendre :
- Les informations administratives
- Date et lieu de la déclaration;
- Coordonnées de la personne faisant la déclaration (si ce n’est pas la survivante);
- Nom des fonctionnaires s’occupant du dossier (patrouille, équipe d’enquête, etc.).
- Les informations sur la victime
- Identité (ex.: nom, code d’identification, date de naissance, sexe) et coordonnées;
- État physique et psychologique de la victime au cours de l’interrogatoire (pour s’assurer que l’on réponde à ses besoins médicaux et psychosociaux immédiats, ce qui peut également constituer des éléments de preuve si elle décide de se pourvoir en justice).
- Les détails de l’incident
- Type d’incident (pour bien faire, selon une liste de vérification guide ou une typologie standard des formes de violence);
- Date et heure;
- Lieu(x).
- Les informations sur l’auteur des faits présumé
- Identité et coordonnées du/des suspect(s);
- Relation entre la victime et l’auteur/les auteurs des faits;
- Détails sur toute allégation antérieure d’infraction commise par l’auteur/les auteurs des faits;
- Préciser si l’auteur/les auteurs des faits possède(nt) un permis de port d’arme.
- Les mesures prises et le plan de suivi
- Traitement médical (notamment les examens médico-légaux ou l’orientation éventuelle vers ces examens) ainsi que tous les autres services fournis à la survivante (évaluation des risques, plans de sécurité, orientation vers un refuge, un hôpital etc.), avec mention des dates et des personnes de contact pour chacun;
- Détails des éléments de preuve recueillis (ex.: photos des blessures/du lieu du crime, dates/transcription des interrogatoires, preuves et résultats des enquêtes médico-légales, etc.).
- L’évaluation/examen du dossier
- Orientation par la police vers d’autres institutions/services avec dates (défenseur des droits des victimes, soins médicaux, services de santé mentale, libération conditionnelle, ministère public, autres);
- État des témoignages (disponibles/documentés) et des éléments de preuve recueillis (ex.: résultats des examens médico-légaux).
- Les informations administratives
(ONUDC, 2010, IACP, Sexual Assault Supplemental Report Form [Formulaire de rapport supplémentaire pour agression sexuelle]; GBVIMS. Standard Intake and Assessment Form [Formulaire standard d’accueil et d’évaluation])
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La confidentialité et la sécurité des données doit figurer au premier rang des priorités lors de l’élaboration de systèmes de gestion des dossiers. Les dossiers papier doivent être conservés sous clé et les dossiers informatiques protégés par un mot de passe; seul le personnel immédiatement associé à l’affaire devrait avoir accès à tous les dossiers. La sécurité des dossiers est importante aussi pour protéger l’identité des victimes et leurs coordonnées, ces informations pouvant servir à le localiser et à les intimider, elles ou les témoins, ce qui les expose à des risques de violence accrus ou à une destruction ou une falsification des éléments de preuve. Parmi les moyens d’accroître la confidentialité, on pourra employer un code d’identification unique pour chaque dossier, ce qui permet la gestion et le suivi anonymes des cas. Ceci revêt une importance particulière dans les petites communautés ou lorsque les personnels de la police risquent de ne pas respecter la confidentialité.
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La sécurité du système de données doit être planifier compte tenu de l’infrastructure et des processus de recueil des données et de gestion des dossiers dans le temps. Par exemple, lorsque les bureaux ne disposent pas d’ordinateurs ou dans les communautés où l’alimentation en électricité est irrégulière, on pourra employer un système mixte par lequel les données seront recueillies manuellement au niveau du poste de police ou du cantonnement militaire, puis transmises périodiquement au siège/quartier général où elles seront saisies dans un système informatisée pour analyse et production ultiérieures de rapports.
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Au niveau communautaire, les entités de sécurité doivent s’efforcer de mettre en place et de coordonner (dans le long terme) un système unique et intégré de données informatisées, relié à d’autres acteurs clés au sein d’un réseau multisectoriel (réunissant la santé, la justice, l’hébergement et les autres prestataires de services). L’harmonisation du système de données autorise un recueil précis et plus efficace des données, accroît l’efficacité du suivi des affaires et permet aux survivantes de bénéficier promptement de services d’appuis des divers secteurs. Elle réduit également le nombre de fois où les survivantes doivent donner des détails sur les faits, ce qui peut les retraumatiser. Les systèmes de données intégrés doivent être fondés sur un modèle rationnalisé d’entrée des données avec un numéro d’identification unique affecté à chaque cas et employé par tous les prestataires de services. Les divers prestataires de services peuvent enregistrer toutes les informations pertinentes, ajouter des informations et joindre des pièces documentaires au fichier. Ces systèmes peuvent également être mis en place au niveau national, mais leur développement est long et il existe un investissement dans la formation du personnel ainsi que dans le renforcement de l’infrastructure (ex.: dotation en systèmes informatiques compatibles pour s’assurer que les données et les fichiers soient accessibles et lisibles par toutes les institutions).
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Les données recueillies au niveau local doivent être rationnalisées pour pouvoir être intégrées dans les bases de données nationales afin d’assurer le traçage et le suivi des crimes de violence sexiste. On pourra soit établir différents systèmes selon les différentes formes de violence, soit compiler les informations dans une base de données unique où elles sont désagrégées par type de violence.
Exemples de bases de données nationales :
Base de données primaire sur la violence à l’égard des femmes (Afghanistan)
La base de données primaire sur la violence à l’égard des femmes en Afghanistan a été lancée en 2006 sous la coordination du ministère des Affaires féminines, avec le concours d’UNIFEM, en collaboration avec les services des Affaires féminines des 34 provinces du pays et avec l’appui technique et logistique et l’intervention directe dans l’établissement de rapports de diverses entités, notamment des ministères de l’Intérieur, de la Santé, de l’Éducation et de la Justice, des tribunaux, des shuraas féminines, des conseils provinciaux, de la Commission indépendante des droits de la personne de l’Afghanistan, du Centre d’orientation, de Save the Children, de prestataires de services d’aide juridique et de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan. La saisie des données initiale se fait au niveau provincial et les formulaires sont transmis au ministère des Affaires féminines. Ont été inscrits dans la base de donnée 1 011 cas de violence de différents tpes (ex.: injures, viol, fiançailles forcées, harcèlement sexuel en public, etc.) entre mai 2006 et octobre 2007, qui sont présentés dans le rapport 2007 de l’Afghanistan, avec des informations complémentaires et une analyse des cas enregistrés, ainsi qu’un aperçu général de la couverture médias et des recommandations de politique sur la question.
Site Web public national Dru Sjodin des délinquants sexuels (États-Unis)
Coordonné par le Département de la Justice des États-Unis, en collaboration avec les autorités des États, des territoires et des tribus possédant un registre de délinquants sexuels pour leur juridiction, le site Web national des délinquants sexuels est doté d’une fonction de recherche sophistiquée qui permet d’obtenir des informations sur les délinquants sexuels; il contient une liste des sites Web possédant un registre de délinquants sexuels par État, territoire et tribu et des informations sur l’éducation et la prévention de la délinquance sexuelle. Les informations peuvent aider la police à veiller à l’application des ordonnances de protection et renseigner les membres des communautés sur les délinquants sexuels jugés coupables dans leur région. Cette base de données eest un exemple d’intégration des données locales en un système national, les informations pour ce système étant fournies par les autorités locales (Département de la Justice, Dru Sjodin National Sex Offender Public Website).
- Au niveau régional, il est également utile d’élaborer un système de recueil et de suivi des données sur certaines formes de violence, telle que la traite des personnes. Le recueil de ces données peut toutefois présenter des difficultés particulières, étant donné le peu de données précises de niveau national et les divers obstacles liés à la sous-déclaration aux autorités, à la faiblesse des structures de partage des informations et aux différences de méthodologie d’un État à l’autre. Bien que divers bases de données de recherche secondaires aient été compilées sur la traite des personnes dans différentes régions, on manque toujours de données primaires sur la question.
Outils clés :
Sexual Assault Guidelines: Supplemental Report Form [Directives relatives aux agressions sexuelles : formulaire de rapport complémentaire] (IACP. 2008). Ce formulaire destiné aux personnels de la police doit servir à l’établissement de rapports par les autorités, à la documentation et aux enquêtes sur tout incident d’allégation d’agression sexuelle, sauf dans les cas où la victime est mineure, ainsi qu’à la supervision. Établi d’après le contexte américain, le formulaire peut être adapté à d’autres contextes selon qu’il convient. Disponible en anglais.
Standard Intake and Assessment Form [Formulaire standard d’admission et d’évaluation] (IASC GBVIMS, 2010). Ce formulaire est l’une des nombreuses ressources disponibles sur le site Web du Système de gestion de l’information sur la violence sexiste qui ont été élaborées pour aider les prestataires de services intervenant dans le cadre d’opérations humanitaires à mieux comprendre les cas de violence sexiste déclarés et pour permettre aux acteurs de partager l’information à l’interne entre divers sites de projet et à l’externe avec d’autres organismes pour effectuer des analyses des tendances générales et améliorer la coordination dans la lutte contre la violence sexiste. Disponible, moyennant inscription gratuite, en anglais.
Domestic Violence and Sexual Assault Data Resource Centre [Centre de ressources et de données sur la violence domestique et l’agression sexuelle] (National Institute of Justice). On trouve sur le site de ce centre des formulaires d’admission employés aux États-Unis par divers organismes (notamment des forces de police) pour enregistrer les cas de violence domestique et sexuelle. Disponible en anglais.
The IOM Handbook on Direct Assistance to Victims of Trafficking [Manuel de l’OIM sur l’aide directe aux victimes de la traite] (International Organization for Migration, 2007). Ce manuel est destiné aux praticiens et autres personnes fournissant des appuis directs aux survivantes de la traite des personnes. Il compte sept chapitres, qui peuvent se lire séparément, portant sur les sujets suivants : sécurité et sûreté individuelle pour le personnel des organismes intervenant et les survivantes (avec des conseils sur le recueil et la gestion des données confidentielles); dépistage des victimes de la traite des personnes; aide à l’orientation et à la réinsertion; directives relatives à l’hébergement; santé et traite des personnes; coopération avec les forces d’application de la loi et appendices sur les principes d’éthique lors des soins fournis aux victimes et de leur interrogation, avec check-liste, et glossaire des termes clés. Disponible en anglais; 356 pages.
Domestic Violence Intake Form [Formulaire d’admission pour les cas de violence domestique] (Turkish Police, 2007). Ce formulaire, élaboré en collaboration avec l’UNFPA, guide les personnels de la police et les aide à documenter les incidents of violence domestique. Une vidéo de formation produite à l’intention de la police donne des conseils sur l’emploi de ce formulaire. Disponible en turc.