Généralités

Dernière modification: December 29, 2011

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L’analyse situationnelle met en évidence les caractéristiques clés du contexte et des parties prenantes du programme, notamment les facteurs de risque (tels que la tolérance et la commission d’actes de violence de la part de la police envers les femmes et les filles) et les facteurs de protection (telle que la présence d’un service sexospécifique ou d’un point focal du genre dans l’organisation de police locale). Sachant quels sont les types de violence qui existent, les personnes les plus affectées et l’opinion qu’ont les femmes et les filles des services et acteurs de sécurité auxquels elles ont accès rate, les concepteurs des programmes peuvent se faire une idée des problèmes clés à résoudre. Une telle analyse est requise pour déterminer les stratégies, points d’entrée et partenariats éventuels utiles pour planifier et concevoir l’intervention, de manière à ce que celle-ci soit adaptée au contexte locale et en évitant les redondances d’efforts. L’analyse situationnelle se distingue de l’analyse de la situation de référence, laquelle est menée au début d’un programme, une fois les stratégies conçues, afin de pouvoir mesurer les changements obtenus dans le temps; elle ne la remplace pas mais peut la compléter. Une bonne analyse situationnelle doit être fondée sur une approche axée sur les droits de la personne, entre autres principes directeurs fondamentaux.

 

Que faut-il inclure dans une analyse situationnelle ?

Le tableau ci-dessous indique les domaines clés à considérer et donne des exemples de questions appropriées pour effectuer une analyse situationnelle du secteur, domaines et questions qui peuvent être modifiés pour être employés au niveau national ou local. Il indique également les sources d’information possibles. Toutefois, lorsque les données sont limitées, il faudra mener des recherches primaires. Les questions ci-dessous pourront être utilisées dans le cadre de questionnaires d’enquête ou d’interviews des parties prenantes ou servir à guider les débats de groupes de consultation.

Nature de la violence à l’égard des femmes et des filles
(types et portée de la violence pour le contexte considéré - national, sous-national, etc.) 

 

 

  • Quelles sont les principales formes de violence sexiste qui se manifestent ? 

  • Que sait-on de la prévalence et de l’incidence de la violence ?

  • Quelles sont les caractéristiques des survivantes et des auteurs des actes de violence ?

  • A-t-il été signalé des cas de viol systématique de groupes particuliers de femmes et/ou de filles ?

  • Y a-t-il des groupes particuliers de femmes ou de filles qui subissent des formes particulières d’abus (par exemple, filles de 10 à 19 ans, femmes vivant avec le VIH)

  • Y a-t-il des groupes particuliers d’hommes qui commettent des violences à l’égard des femmes et des filles (par exemple, groupes armés, enseignants) ?

    • Y a-t-il des signes d’augmentation ou de diminution dans le temps du nombre d’actes de violence commis par tous les auteurs de tels actes, y inclus le personnel de sécurité, et consignés par la police et les autres prestataires de services ?

    • À quels prestataires de services les femmes signalent-elles les incidents of violence (santé, services sociaux, police, autres) ?

    • Y a-t-il des situations ou des lieux particuliers où les risques sont plus grands (pour aller au travail, transports agricoles, au bureau ou lors d’activités politiques) et d’autres où les femmes peuvent mener leurs activités sans menace ou crainte de violence) ?

Cadre juridique et politique
(pour traiter de la violence à l’égard des femmes et des obligations du secteur de la prévenir et d’intervenir)

  • Quels sont les engagements juridiques qui ont été pris (conformément aux instruments internationaux, régionaux et nationaux) qui chargent le secteur de prévenir la violence à l’égard des femmes et d’intervenir (par exemple, pouvoir donné à la police d’arrêter l’agresseur, émission d’ordonnances de protection, ordre donné à la police de procéder à des évaluations des risques et d’établir des plans de sécurité, entre autres mesures d’appui en faveur des survivantes) ?

  • Quelles sont les stratégies, politiques ou plans nationaux ou local qui définissent/précisent le rôle du secteur dans la lutte contre le problème (tels que les stratégies ou plans nationaux relatifs à la violence à l’égard des femmes) ?

  • Est-il offert aux femmes et aux filles des possibilités d’effectuer des apports pour la formulation des lois, politiques et programmes relatifs à la sécurité ?

  • Comment définit-on les priorités en matière de sécurité et comment recherche-t-on l’opinion des femmes et des filles ?

Pour des exemples de lois et de politiques nationales, voir

Obligations et pratiques institutionnelles (dans les initiatives et réformes nationales du secteur de la sécurité)

  • Voir l’article détaillé sur les évaluations institutionnelles pour examiner les politiques, programmes, infrastructure et ressources du secteur de la sécurité en place et les efforts des institutions ciblant les communautés pour lutter contre la violence sexiste et la discrimination

Capacités du personnel de la police et d’autres entités

  • Quelles sont les intiatives de formation ou de renforcement des capacités en place pour s’assurer que la police et les autres personnels de sécurité comprennent l’inégalité des sexes et la violence à l’égard des femmes, connaissent leurs obligations juridique de prévenir le problème et d’intervenir, et possèdent les capacités requises pour s’acquitter de leur mandat (au niveau politique et opérationnel) ?

  • Les initiatives impliquent-elles tous les personnels, depuis les effectifs administratifs jusqu’aux dirigeants, ou seulement les nouvelles recrues ou des points focaux spécifiques ?

    • Les formations sont-elles institutionnalisées ou offertes sur des bases ponctuelles (intégrées dans le cursus de formation/perfectionnement professionnel, ou sessions uniques/interventions pilotes de courte durée) ? Quelle est leur efficacité ?

    • Quelles sont les ressources allouées aux initiatives de renforcement des capacités ?

    • Quels sont les outils/ressources matérielles disponibles pour appuyer les initiatives de lutte contre la violence sexiste (tels que mentors pour les points focaux, guides et matériels de référence) ?

    • À quels obstacles la police se heurte-t-elle dans la mise en œuvre de ses politiques/l’exercice de ses fonctions ?

Mécanismes de coordination et de collaboration

  • Quels sont les mécanismes officiels et officieux en place pour renforcer la coordination entre le secteur de la sécurité et les autres secteurs, la société civile et les autres partenaires s’attaquant au problème ? Par exemple, plans d’action conjoints de la police et d’autres organismes gouvernementaux actifs dans les domaines de l’égalité des sexes, tels que les ministères des affaires féminines, des services sociaux, de la santé publique, ou leurs antennes locales.

  • Quels sont les points d’entrée permettant à la police de participer aux mécanismes de coordination en place (tels que réunions mensuelles, partenariats avec les défenseurs des victimes, gestion conjointe des cas) ?

  • Y a-t-il des mécanismes d’orientation associant la police, les services de santé, les organisations de femmes et les autres groupes de soutien des survivantes actifs au niveau communautaire ? Y a-t-il des protocoles de collaboration au niveau ministériel ?

  • Quels sont les forums de consultation/coordination avec les organisations de la société civile et les communautés qui existent ? Y a-t-il des parties prenantes femmes et des organisations de femmes dans ces forums ?

  • Les données et les informations sur les incidents sont-elles recueillies, collationnées et partagées (sauf celles qui doivent rester confidentielles) ?

  • Quelles sont les initiatives de la société civile qui concernent ou associent le secteur de la sécurité ? Comment ces programmes participent-ils aux efforts d’élimination de la violence sexiste mis en œuvre par les institutions de sécurité et les autres acteurs étatiques ?

 

Besoins de sécurité des femmes et des filles

 

  • Quels sont les perceptions, les priorités et les besoins particuliers pour les femmes et les filles de différents horizons (milieu rural/urbain, ethnicité, classe sociale, religion, orientation sexuelle, aptitudes, âge, éducation, etc.) ?

  • Quelles sont les préoccupations communes à tous les groupes de femmes et de filles ?

  • Quelles sont les questions prioritaires pour les différents groupes ?

  • Quels sont les services dont les femmes et les filles ont besoin de la police ou des autres personnels de sécurité, qui ne leur sont pas offerts ou pas fournis de manière satisfaisante ?

Accessibilité des services de sécurité

  • Les lois et instruments ayant trait aux droits des femmes et des filles, ainsi que les responsabilités de la police pour assurer le respect de ces droits, sont-ils communiqués de manière appropriée aux femmes et aux filles ? Sont-ils appliqués de manière satisfaisante ?

  • Quelle est la couverture géographique des forces de police/autres personnels en uniforme capables d’intervenir en cas d’incidents de violence (par exemple, postes de police dotés en personnel formé dans chaque municipalité ou à une heure de marche de chaque village) ?

  • Quels sont les facteurs qui empêchent les femmes et les filles de signaler les cas de violence et d’accéder aux services de sécurité ?

    • Discrimination à l’encontre de groupes particuliers de femmes (tels que les femmes enceintes célibataires, les femmes de groupes minoritaires)

    • Obstacles géographiques ou linguistiques

    • Coût des demandes d’aide (tels que frais de transport, redevances)

    • Menace ou crainte d’une aggravation de la violence

      • Comment les femmes et les filles perçoivent-elles la police/les forces armées ? Qu’est-ce qui les amènerait à leur faire plus confiance ? Perçoivent-elles le personnel de sécurité féminin de la même manière ?

      • Comment les initiatives de sécurité atteignent-elles les femmes et les filles et comment les consultent-elles ?

Adapté d’après : OECD/DAC, 2010, Handbook on Security Sector Reform: Section 9: Integrating Gender Awareness and Equality [OCDE/CAD, 2010, Manuel de l'OCDE/CAD sur la réforme des systèmes de sécurité : Section 9 Intégration des sexospécificités et de l’égalité des sexes]

 

Exemples de sources de données :

On trouvera des informations sur les analyses situationnelles auprès de toute une série de sources et notamment les suivantes :

L’analyse situationnelle peut également porter sur les possibilités d’intervention et repérer :

  • Les stratégies et activités existantes ou les lacunes en matière d’interventions auxquelles le secteur est associé, ainsi que les possibilités d’y intégrer la lutte contre la violence à l’égard des femmes et des filles, au lieu de créer une stratégie distincte;
  • Les acteurs et les organisations déjà actifs dans ce domaine, pour repérer les partenaires potentiels du secteur et éviter les redondances d’efforts.

 

Exemple : Analyse situationnelle du trafic des personnes en République dominicaine

En novembre 2005, à la demande de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) en République dominicaine, Chemonics International Inc. a effectué une analyse situationnelle dans le pays pour examiner la portée du trafic des personnes au niveau national, évaluer les efforts en matière de prévention, de protection et de répression du trafic, repérer les lacunes au niveau des interventions et émettre des recommandations concernant une éventuelle aide extérieure apportée par l’USAID.

L’analyse a été menée par une équipe de deux consultants qui ont procédé à un examen des publications et des rapports de recherche disponibles, puis à des interviews dans le pays au cours d’une période de quinze jours. L’équipe a participé à une session d’information initiale sur la teneur des travaux et les produits à livrer, puis à une session finale avec débats consacrée à la présentation des conclusions préliminaires et des recommandations programmatiques avec la Mission des États-Unis. Des entretiens ont eu lieu avec plus de 30 parties prenantes clés représentant des partenaires étatiques et non étatiques et des organisations internationales, ainsi que du personnel de l’École nationale de police, du Service de police chargé de la répression du trafic et de la Police touristique.

Les auteurs de l’analyse ont émis des recommandations clés concernant le secteur de la sécurité et ont signalé en particulier la nécessité d’une formation spécialisée et institutionnalisée du personnel des forces de l’ordre afin d’améliorer l’identification des cas, les enquêtes et les poursuites, ainsi que le besoin d’une réforme et d’un renforcement des programmes de protection des témoins. Entre autres recommandations complémentaires, ils ont aussi conseillé de revoir les mécanismes de coordination nationaux, l’appui aux organisations de la société civile actives dans les domaines de la sensibilisation du public et de la fourniture de services de protection ainsi que d’accroître les échanges de connaissances et le financement de programmes de prévention du trafic, de protection des survivantes et de promotion des poursuites judiciaires.

Source : USAID. 2005. Anti-Trafficking Technical Assistance: Dominican Republic Anti-Trafficking Assessment [Assistance technique pour la lutte contre le trafic des personnes : évaluation en République dominicaine]. USAID. Washington.

 

Exemple : Analyse situationnelle de la violence sexuelle et sexiste dans les camps de personnes déplacées après les violences post-électorales au Kenya en 2009.

Méthodologie

Une analyse situationnelle a été effectuée dans les camps de personnes déplacées du Kenya pour déterminer les niveaux de violence sexiste, les informations ayant été collectées selon les méthodes suivantes:

  • Enquête auprès de 629 personnes (400 femmes, 229 hommes)
  • Débat dans 28 groupes de consultation avec un total de 249 personnes (174 femmes et 75 hommes)
  • Entrevues avec des informateurs clés, travailleurs d’aide humanitaire, responsables de camps et autres parties prenantes
  • 10 études de cas

Les données quantitatives ont été analysées au moyen d’un logiciel SPSS et les données qualitatives l’ont été manuellement.

 Constats

  • La violence sexiste est classée au 4e rang (10,7 %) et l’insécurité au 8e rang (5,1 %) des principales préoccupations des hommes et des femmes hébergés dans les camps.
  • Les membres des forces de l’ordre sont perçus comme étant les principaux auteurs des actes de violence sexiste par 12,5 % des personnes interrogées.
  • L’insécurité est perçue comme un facteur contribuant à la violence.
  • 22,3 % des personnes qui n’ont pas subi de violences sexistes pensent que cela est dû à la présence de personnel de sécurité.
  • 5,5 % des survivantes de violences ont indiqué qu’elles avaient signalé l’incident et 31,1 % ont indiqué qu’elles ne l’avaient pas fait.
  • Près de la moitié (43,9 %) des survivantes ayant déclaré la survenue des incidents ont parlé aux responsables des camps et plus d’un tiers (35,4 %) ont signalé les faits aux forces de l’ordre.
  • Parmi les femmes interviewées ayant signalé les violences, seules 0,6 % ont dit avoir bénéficié d’une certaine aide en matière de sécurité.
  • La réticence des forces de l’ordre à reconnaître les cas de violence sexiste a été signalée comme un désincitatif à déclarer les faits par 6,9 % des personnes interviewées.
  • Une des recommandations clés émises est la nécessité d’établir un environnement favorisant la déclaration des faits par une formation des forces de l’ordre/travailleurs de la santé, entre autres prestataires de services.

Source : Njiru, R., 2009. Situational Analysis of Sexual and Gender Based Violence in the Internally Displaced Persons’ Camps after the Post Election Violence au Kenya [Analyse situationnelle de la violence sexuelle et sexiste dans les camps de personnes déplacées après les violences post-électorales au Kenya] basées sur Kenya National Commission on Gender and Development, NGO Women’s Empowerment Link and UNFPA, 2009, Situational Analysis of Sexual and Gender-Based Violence in the Internally Displaced Persons’ Camps after the Post Election Violence in Kenya [Analyse situationnelle de la violence sexuelle et sexiste dans les camps de personnes déplacées après les violences post-électorales au Kenya].