Les Ministères de la justice devraient s’assurer que l’aide juridique est largement répandue et accessible aux victimes féminines de la violence. Les ministères devraient à cette fin:
- Offrir une aide juridique pour des affaires qui ne relèvent pas du pénal. Les programmes d’aide juridique se limitent souvent aux affaires pénales. Pourtant, les femmes ont souvent des revendications en matière de droit familial, de droit de succession et de droit à la propriété, et le règlement de ces affaires a souvent une incidence considérable sur leur capacité de mener une vie à l’abri de la violence. Par exemple, une femme pourrait se trouver dans l’impossibilité de sortir d’un mariage ou de réclamer ses droits légitimes à la propriété en raison du coût élevé des procès.
- Définir des critières généraux en matière de droit à l’aide juridique. L’aide juridique devrait être accordée non seulement aux femmes qui sont célibataires et qui satisfont aux critères de revenus, mais aussi aux femmes mariées ou vivant en couple qui pourraient ne pas y avoir droit si le revenu de leur conjoint était pris en considération, mais qui seraient disposées à saisir la justice en raison de la violence du partenaire ou parce qu’elles n’ont pas accès au revenu de celui-ci.
- Faciliter l’accès physique aux programmes d’aide juridique. Le manque de moyens de transport, de services de garde d’enfants, d’argent pour voyager et d’occasions de voyager peut dissuader les femmes de saisir la justice. Les programmes d’aide juridique devraient être facilement accessibles dans les contextes les plus divers. Ils devraient être appliqués dans les centres d’hébergement pour femmes ou les ONG féminines, les services de garde d’enfants, les dispensaires, ou les cliniques de rue spécialisées et les cliniques de consultation juridique sans rendez-vous des zones urbaines et rurales. L’application des programmes d’assistance juridique dans les ONG féminines ou les centres d’hébergement pour femmes a l’avantage de s’accompagner d’autres formes d’aide, comme une aide financière ou un soutien psychosocial. Les cliniques devraient être fournies régulièrement en personnel juridique et parajuridique. Les programmes appliqués dans des lieux non-stratégiques devraient prévoir des salles de consultation privées.
- Éliminer les frais de justice pour les demandes d’indemnisation pour violence sexuelle envers les femmes. De nombreuses femmes seront privées de la possibilité de saisir la justice en raison des coûts élevés des procédures. Les affaires de violence portées devant les tribunaux ne passent pas toutes par le pénal. Les frais de justice et les frais de dossier devraient être complètement éliminés, y compris pour les affaires de violence domestique et de harcèlement sexuel.
- Encourager et faciliter le recours aux parajuristes spécialisées dans les questions relatives aux victimes féminines de la violence. Les parajuristes sont des personnes qui ont reçu une formation juridique sans être juristes. Les parajuristes devraient recevoir une formation sur les questions liées à la violence sexiste et la façon de les aborder avec tact. Elles peuvent fournir des renseignements aux victimes de la violence sur leurs droits à moindre coût que les juristes, mais n’ont pas le droit de les représenter au tribunal et ne doivent pas être considérées comme le dernier recours juridique des victimes de la violence. Les parajuristes devraient avoir un accès permanent aux avocats des victimes qui décident de saisir la justice.
Les parajuristes devraient faciliter l’accès aux victimes féminines de la violence par le biais de programmes de sensibilisation et d’éducation des communautés en matière de droits des femmes.
Élaboration et mise en oeuvre de programmes pour parajuristes dans le monde
Guatemala: des animatrices communautaires deviennent des parajuristes agréées
Un groupe d’animatrices communautaires, rendues conscientes de la prévalence de la violence domestique dans la région de Guatemala City par une formation sur les questions liées à la violence à l’égard des femmes et à la justice, ont décidé de devenir parajuristes agréées pour aider les victimes de la violence domestique. Un certain nombre de mesures ont été prises pour l’élaboration d’un programme pour parajuristes:
- La Women’s Legal Rights Initiative Guatemala s’est associée à un centre de justice local, Justice Center of Villa Nueva, pour accueillir les stages de formation.
- Les associées ont collaboré avec l’Institut d’études du droit pénal comparé pour élaborer un programme scolaire et du matériel de formation destinés aux animatrices communautaires.
- Les diplômés du Programme Gender and the Law (Genre et le droit) de l’Université de San Carlos ont offert leurs connaissances techniques aux parajuristes dans le cadre d’ateliers et de consultations.
- Le Centre de justice, l’Institut et les diplômés du programme Gender and the Law et du programme de Master’s ont produit des manuels de formation, et les diplômés ont élaboré des programmes de formation et les ont enseignés aux parajuristes.
- Il en a résulté un réseau de parajuristes, formées sur les questions liées à la violence sexiste, qui offre ses services aux femmes dans leurs communautés. Les parajuristes ont également produit un manuel sur la violence familiale à l’intention de lectrices ayant un faible niveau d’alphabétisation, qui décrit les effets de la violence sur les femmes et indique comment aider ses victimes avec des ressources juridiques et communautaires.
Paralegal Manual on Domestic Violence (Community Paralegals, publié par The Women’s Legal Rights Initiative, 2006). Disponible en espagnol.
Source: USAID. 2007. The Women’s Legal Rights Initiative.
- S’appuyer sur les associations du barreau pour développer des programmes d’assistance juridique. S’il incombe principalement à l’État de fournir une assistance juridique aux victimes féminines de la violence, les ressources des associations du barreau dans ce domaine n’en sont pas moins utiles. Les associations du barreau peuvent favoriser la prestation de services juridiques communautaires bénévoles ou gratuits en recrutant des volontaires, en faisant connaître leurs réalisations les plus importantes, et en établissant des prix pour récompenser les services rendus par leurs pairs. Elles peuvent également inciter les cabinets d’avocats les plus prospères à consacrer un pourcentage de leurs heures facturables aux services bénévoles, et reconnaître les cabinets qui atteignent cet objectif. L’efficacité de cette stratégie est optimale si elle s’accompagne d’incitations fiscales offertes par les États aux cabinets d’avocats pour qu’ils fassent don de leur temps facturable, et si les avocats sont tenus à effectuer un certain nombre d’heures de travail bénévole par an comme condition pour pratiquer le droit. Les juristes bénévoles devraient recevoir une formation sur les questions liées à la violence contre les femmes. Pour les coordonnées d’associations du barreau du monde entier, cliquez ici.
- S’appuyer sur les écoles de droit pour développer des programmes d’aide juridique. Les écoles de droit peuvent créer des cliniques spécialisées dans la prestation de services aux victimes féminines de la violence. Les cliniques affiliées aux écoles de droit peuvent allier aide concrète accordée aux victimes et principes des droits fondamentaux des femmes. Leurs diplômés viendront renforcer la capacité des juristes à régler les problèmes juridiques des femmes. Les écoles de droit ont les ressources et les moyens d’utiliser ces cliniques spécialisées pour faire avancer des dossiers de contentieux inédits d’intérêt public sur les questions relatives à la violence à l’égard des femmes. Ces cliniques doivent s’inscrire dans la durée: budgétisation par poste budgétaire, recherche de dotations privées, rôle de leadership durable et intégration au programme d’études régulier des écoles de droit au même titre que les autres disciplines devraient en renforcer la viabilité. Par exemple, le Protection Project a collaboré avec le Ministère de la justice égyptien et la Faculté de droit de l’Université d’Alexandrie pour créer une clinique juridique de droit familial. Cette clinique, qui fournit une aide aux victimes de la violence domestique et à d’autres membres vulnérables de la communauté, figure désormais obligatoirement au programme des écoles de droit. Le Protection Project appuie également le programme de la clinique juridique de l’Université de Qom (Iran).
- Inciter les juristes retraités à joindre les effectifs des programmes d’aide juridique des ONG ou des cliniques de consultation sans rendez-vous. Leur expérience peut s’avérer très utile pour les victimes féminines de la violence. L’État devrait leur offrir une formation sur les questions juridiques d’intérêt commun aux victimes de la violence, et, surtout, sur la sensibilisation à tous les aspects de la violence sexiste. Les juristes retraités devraient disposer des outils de travail indispensables au succès de leur mission. Le Ministère de la justice devrait s’associer au judiciaire pour la réalisation de ce projet. La participation du judiciaire au recrutement, à la supervision et à la reconnaissance des réalisations des juristes retraités bénévoles devrait fortement encourager les personnes capables d’offrir ce type de services. La reconnaissance par les pairs et par les communautés pourrait les inciter à continuer leur travail dans ce domaine.
États-Unis: le Centre de justice Tahirih
Le Centre de justice Tahirih (http://www.tahirih.org/) , installé en Virginie (États-Unis), défend les droits à l’immigration des femmes qui fuient la violence sexiste, grâce à un réseau national de plus de 600 juristes qui offrent leurs services à titre bénévole. Tahirih peut optimiser et soutenir l’action de ses membres bénévoles:
- En offrant des services de consultation professionnelle fournis par les juristes internes de Tahirih;
- En dispensant une formation sur le droit à l’immigration;
- En offrant un encadrement continu aux bénévoles;
- En gardant un contact régulier sur les questions juridiques les concernant via un bulletin d’information électronique;
- En proposant aux juristes du réseau un E-Forum leur fournissant du matériel de formation et de soutien et
- En apportant aux juristes bénévoles un soutien en matière de gestion des besoins non juridiques des clients comme l’orientation vers des services sociaux ou médicaux.
Source: http://www.tahirih.org/.
Cambodge: programme de justice pour les femmes
Le Women’s Justice Programme (Programme de justice pour les femmes), qui est un projet du Legal Aid of Cambodia(LAC), a été lancé en mars 2008 avec le concours du Fonds des Nations Unies pour le développement (PNUD) pour faciliter l’accès des femmes à la justice. En plus d’offrir des services juridiques directes aux femmes dans trois provinces, notamment en matière de divorce et de crimes sexistes, le programme vise à informer les organismes concernés comme les départements des affaires féminines, les commissariats de police et les gouverneurs de provinces, sur les services juridiques offerts aux femmes. Par ailleurs, le programme a organisé un atelier avec la participation de partenaires gouvernementaux et de la société civile qui ont examiné les difficultés rencontrées pour faciliter l’accès des femmes à la justice et proposé des solutions. Après 11 mois de fonctionnement, le programme avait traité 135 dossiers et on avait constaté une augmentation du nombre de femmes qui sollicitaient les services du programme. Les participants à l’atelier ont évoqué, entre autres, les difficultés suivantes: réticence des greffiers des tribunaux provinciaux à collaborer avec les juristes du Women’s Justice Program; retards dans les enquêtes et les poursuites des infractions pénales; insuffisance des dispositifs de protection des témoins et des victimes; parti-pris des magistrats; enregistrement peu fréquent des mariages; manque d’indépendance judiciaire et absence de code déontologique pour les magistrats et les procureurs. Certaines stratégies recommandées proposaient d’offrir plus de services juridiques et sociaux gratuits aux femmes, de promouvoir l’utilisation des certificats de mariage, d’assurer une formation avancée aux représentants des forces de l’ordre et aux groupes féminins et d”interdire la médiation dans les affaires pénales graves.
Source: Legal Aid of Cambodia, 2009. Legal Representation for Women: Constraints and Lessons Learned.
Zimbabwe: les avocates aident les femmes à se représenter elles-mêmes
La Zimbabwe Women Lawyers Association (ZWLA) fournit une formation juridique à des groupes de femmes confrontées à des problèmes juridiques identiques, leur permettant de se représenter elles-mêmes devant les tribunaux de première instance. L’association dispense également une formation aux greffiers, aux magistrats et aux chefs des régions rurales du pays. La ZWLA fait campagne en faveur de l’adoption des lois qui assurent une protection juridique aux femmes et a contribué de façon décisive à l’adoption du Domestic Violence Act et des nouvelles lois sur le droit de succession. En se mobilisant autour de cas pilotes, l’organisation veille à ce que les lois soient appliquées en vertu du respect des droits des femmes. Enfin, le ZWLA offre une assistance juridique par l’entremise des cliniques installées dans ses deux bureaux (à Harare et Bulawayo) et de cliniques mobiles d’assistance juridique dans les régions rurales.
Outils:
Gender-Based Violence Legal Aid: A Participatory Toolkit (ARC International, 2005). Disponible en anglais. Ce guide fournit des renseignements sur la manière d’effectuer une évaluation du besoin et du degré d’application des interventions appropriées en cas de violence sexiste dans des situations conflictuelles et non-conflictuelles.