Améliorer l’accès physique des femmes à la justice

Dernière modification: December 22, 2011

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● Pour de nombreux habitants des zones rurales, la justice est tout simplement trop éloignée. Le Ministère de la justice devrait utiliser une double approche au problème de la distance physique: assurer la présence régulière d’un juge et d’un huissier dans les établissements judiciaires stratégiques et fournir une aide concrète aux victimes de la violence qui se rendent aux audiences.

  • Analyser les emplacements de population et élaborer des stratégies de répartition géographique en vue d’assurer la proximité relative de tous les citoyens en installant des locaux et des équipements judiciaires adéquats à une journée de voyage tout au plus. Le personnel judiciaire de ces tribunaux serait renouvelé à tout le moins par rotation. Il conviendra également de prévoir dans le budget les frais d’hébergement et de déplacement des juges qui doivent se rendre sur les lieux de tribunaux dotés de personnel à temps partiel.
  • Renforcer la capacité de voyage des victimes. Pour les procès pénaux, les autorités devraient assurer les frais de déplacement, une indemnité repas, les frais d’hébergement à l’hôtel et une allocation pour la garde d’enfants des victimes de la violence, permettant à celles-ci de se rendre au tribunal de détention du prévenu. Les frais de déplacement et d’hébergement des victimes de la violence domestique devraient également être pris en charge.
  • Autoriser l’utilisation du téléphone, du télécopieur ou de la technologie Internet pour faciliter la participation des victimes des zones rurales aux entrevues ou audiences préliminaires, aux audiences sur les ordonnances de protection, aux procédures de négociation de peine et de mise en liberté sous caution, et autres questions. Par exemple, la Vanuatu Women’s Centre peut recevoir des ordonnances de protection contre la violence domestique par télécopieur en provenance d’autres régions du pays (AusAID, 2008).
  • Encourager la création de tribunaux mobiles qui se rendent régulièrement dans les zones rurales.

 

 

ÉTUDE DE CAS: Le tribunal mobile de Fizi: Accès à la justice des victimes de la violence sexuelle

À l’issue d’une collaboration fructueuse entre les autorités judiciaires de la République démocratique du Congo (RDC), laOpen Society Justice Initiative (OSJI), la Open Society Initiative for Southern Africa (OSISA) et la American Bar Association’s Rule of Law Initiative (ABA ROLI), certaines victimes d’une agression sexuelle brutale commise par des soldats dans une région éloignée de la RDC ont obtenu une justice rapide d’un tribunal mobile réuni en plein air dans une petite localité rurale.

La RDC a connu plus de 10 années de guerre, et la violence sexuelle généralisée qui y a sévi n’a pas été le plus souvent sanctionnée. Comme la Cour pénale internationale (CPI) ne peut entendre que quelques cas d’atrocités par an, l’administration d’une justice locale est indispensable, surtout dans les régions éloignées. Les tribunaux mobiles de la RDC sont compétents pour des questions militaires et civiles et ont été établis pour se consacrer aux affaires de violence sexuelle, tout en étant libres d’entendre d’autres affaires criminelles. Dans une seule année les tribunaux mobiles ont entendu 186 affaires dans la région du Sud Kivu, dont 115 cas de viol.

Un tribunal mobile de Bakara a reconnu quatre officiers supérieurs coupables de viol et de terrorisme constitutifs de crimes contre l’humanité et cinq soldats coupables de viol et d’actes inhumains. Les crimes ont été commis lors d’une expédition le Jour du Nouvel An 2011, au Sud Kivu (RDC). Les quatre officiers ont été condamnés à des peines de 20 ans de prison et les soldats à 10 à 15 ans de prison.

Le concepteur du projet a considéré que les stratégies clés suivantes ont permis d’en assurer le succès:

  • Le tribunal mobile a été composé de représentants congolais de l’armée et du secteur civil.

  • Les autorités judiciaires et les avocats de toutes les parties ont bénéficié d’une formation spécialisée.

  • Les 49 victimes ont été autorisées à témoigner en privé.

  • En cas de nécessité ou sur demande, les identités des victimes ont été protégées du public.

  • Une foule importante a assisté aux audiences en plein air, facilitant la responsabilisation et l’éducation.

  • La présence d’observateurs internationaux a donné la crédibilité nécessaire aux procédures judiciaires.

Au procès de Fizi, l’enquête, les arrestations, le procès et les condamnations ont été bouclés en deux mois; le concepteur du projet a attribué cette rapidité d’action non seulement au tribunal mobile, mais aussi à la pression exercée par des sources extérieures et les Nations Unies, et à l’indignation du grand public. Le concepteur du projet a déclaré à ce sujet:

Lorsque les autorités locales et la justice, les Nations Unies, les ONG, les bailleurs de fond, les représentants des médias et les acteurs internationaux travaillent ensemble, même ceux qui ont mené, ordonné et dirigé les agressions peuvent être traduits en justice et condamnés pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. Cela est possible dans des régions ravagées par la guerre où le système de l’état de droit est quasiment inopérant. Avec le CPI pourchassant les prévenus les plus haut placés normalement hors de la portée des juridictions nationales, et les tribunaux locaux, y compris les tribunaux mobiles, pourchassant les suspects moins importants, la responsabilisation peut devenir la règle et l’impunité l’exception”.

L’aide aux victimes a englobé le financement d’une clinique juridique pour aider les victimes à décider s’il fallait ou pas témoigner lors des audiences d’après-jugement pour obtenir les dédommagements accordés lors des procès.

Source: Askin. 2010. Fizi mobile court: rape verdicts et correspondance électronique avec le dr. Askin, figurant dans les dossiers de Advocates of Human Rights. 

 

 

 Afrique du Sud: construction de tribunaux dans les régions rurales 

À la fin du régime d’apartheid en 1994, le nouveau Gouvernement démocratique de l’Afrique du Sud a commencé à faciliter l’accès physique à la justice en construisant de nouveaux tribunaux dans les zones rurales et les townships. En 1999, cet objectif a été défini comme prioritaire par le Ministère de la justice et du développment constitutionnel. À la fin de 2003, 23 nouveaux tribunaux avaient été construits, 58 remis en état et de nombreux autres étaient en cours de construction ou de planification. Ce programme a permis la construction d’une Haute Cour à Limpopo, une des neuf provinces de l’Afrique du Sud, pour éviter aux habitants de cette région d’avoir à se déplacer dans les provinces voisines pour participer aux audiences. Outre la construction de nouveaux tribunaux, les autorités ont renforcé les activités d’un certain nombre de filiales judiciaires (Branch Court), en les transformant en tribunaux à part entière (Full Court).

Source: AfriMAP et Open Society Foundation for South Africa. 2005. South Africa: Justice Sector and the Rule of Law.

 

 

Intégrer des dispositifs de sécurité dans les installations physiques

  • Le Ministère de la justice devrait encourager la modernisation des installations physiques en y intégrant des dispositifs de sécurité pour les victimes de la violence. Les projets de rénovation publique devraient inclure:

  • Au moins deux entrées et deux sorties situées aux côtés opposés de l’immeuble pour permettre aux victimes de la violence d’y accéder et d’en sortir en toute sécurité.
  • Salles d’attente séparées pour les parties opposées dans les affaires de violence envers les femmes.
  • Affichage et documentation dans les langues les plus parlées du pays.
  • Installation de toilettes pour femmes dans les lieux stratégiques.
  • Espaces non-attenants dans les salles d’audience réservés aux plaignants et aux prévenus.
  • Détecteurs de métal et gardes de sécurité prévues à toutes les entrées.
  • Espaces pour enregistrements audiovisuels privés ou audiences retransmises en circuit fermé.

Outils pour la sécurité des tribunaux:

Steps to Best Practices for Court Building Security (National Center for State Courts, 2010) fixe les étapes progressive pour assurer la sécurité des tribunaux qui disposent de moyens limités. Disponible en anglais.

Guidelines for Implementing Best Practices in Court Building Security (National Center for State Court, 2010) propose des fiches de travail pour établir un ordre de priorités des mesures de sécurité et en comparer les coûts réels. Disponible en anglais.

La section Domestic Violence Safety Plan, “Be Safe at the Courthouse” du site web de l’Association du barreau américain. Disponible en anglais.

 

Arménie: rénover les palais de justice pour en améliorer la sécurité

Le Projet de réforme judiciaire financé par la Banque mondiale en Arménie a visé, entre 2000 et 2006, plusieurs aspects de l’appareil de justice de ce pays, y compris l’état physique des palais de justice eux-mêmes. Les normes établis pour l’administration de la justice pendant l’ère soviétique prévoyaient souvent l’installation des palais de justice dans des immeubles exigus et délabrés, n’offrant pas de garanties de sécurité suffisantes à ceux qui ont affaire à la justice. Un tribunal situé dans le centre d’Erevan, par exemple, se trouvait dans un immeuble résidentiel décrépit où prévenus, juges et autres personnes partageaient le même espace. Le projet a permis de transférer le palais de justice dans un immeuble plus solide, d’y installer des détecteurs de métal, de séparer les prévenus du reste du public et d’y installer un dispositif sécuritaire fonctionnant avec des cartes à puce. Au total,12 tribunaux ont été rénovés ou reconstruits dans le cadre du projet.

Source: Banque mondiale, 2005. Renovated Courthouses Give New Meaning to Justice.

 

Établir des tribunaux, des rôles et des unités spécialisées du Bureau du Procureur pour les affaires de violence sexiste

  • Les ministères de justice devraient encourager la création de tribunaux spécialisés, y compris les tribunaux mobiles, pour les affaires de violence contre les femmes. 
  • Les ministères devraient appuyer la création de rôles spécialement conçus pour les affaires de violence à l’égard des femmes en l’absence de tribunaux spécialisés. Un rôle spécialisé fixe un calendrier et affecte un juge ou des juges à un certain type de dossier. Les rôles spécialisés constituent un moyen moins onéreux d’établir un ordre de priorité des affaires de violence et offrent aux magistrats la possibilité de mieux s’informer sur les questions importantes. Les affaires relatives à la violence peuvent être portées directement au rôle spécialisé plutôt qu’à celui régulier qui est plus encombré. 

Pour de plus amples renseignements, voir Tribunaux spécialisés dans les affaires de violence à l’égard des femmes dans le module Législation.