Stratégies d’élimination de la corruption

Dernière modification: December 22, 2011

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La perception publique de corruption de l’administration judiciaire peut dissuader les victimes de rapporter des cas de violence et les inciter à refuser de s’y impliquer, ce qui conduit souvent à des non-lieux. Les occasions ne manquent pas pour s’attaquer à la corruption dès le début de la formation juridique des étudiants en droit, tout au long de leurs carrières, dans les procédures de sélection des juges et des procureurs, les procédures d’attribution des dossiers, par une meilleure transparence et une meilleure communication des décisions judiciaires, par la diffusion et la normalisation des frais de justice (y compris quand ces frais n’existent pas, comme cela devrait être le cas pour les affaires de violence à l’égard des femmes). Voici quelques-unes des stratégies de lutte contre la corruption dans l’administration judiciaire:

  • Rédiger un code d’éthique et de responsabilité professionnelle et de normes de conduite pour les acteurs juridiques et judiciaires du système de justice. Cela servira de base à la formation, au suivi et à l’examen des plaintes pour manquement déontologique. Les codes doivent comprendre des normes applicables en particulier aux cas de violence à l’égard des femmes.  
  • Exiger que les écoles de droit fournissent une formation en déontologie et prévoient un cours obligatoire sur l’éthique dans les examens du barreau. L’acquisition de connaissances en matière d’éthique aura à la longue des effets positifs sur la lutte contre la corruption dans l’administration judiciaire, à mesure que les juristes deviennent des magistrats et des procureurs. De nombreuses écoles de droits exigent que leurs étudiants suivent un cours de déontologie. À titre d’exemple, voir Interview with India’s Solicitor General and Chairman of the Bar Council of India sur l’ajout des règles éthiques au programme des universités de droit de l’Inde.
  • Veiller que les cours d’éthique offrent aux juristes et aux magistrats un ensemble de principes applicables à de problèmes réels. La formation en matière de responsabilité professionnelle et de codes de conduite devrait être obligatoire pour les nouveaux magistrats et les nouveaux procureurs. Par ailleurs, les juristes en devenir seront tenus à étudier les principes déontologiques lorsque l’examen du barreau comprend un volet sur les questions d’éthique. 
  • Soutenir la formation déontologique continue. Les juges, les avocats et les procureurs doivent suivre des programmes de formation continue comme condition pour exercer le droit. Les administrateurs de tribunaux doivent indiquer et justifier le besoin de financement d’une formation continue. La conservation de la licence d’exercer et la nomination à la magistrature doivent être subordonnés à l’accomplissement d’un certain nombre d’heures de formation continue.
  • Promouvoir les programmes de mentorat pour les juges et les procureurs ordonnés par les tribunaux. L’expérience des mentors peut être particulièrement utile pour le recrutement de juges et de procureurs ou pour aider les nouveaux juges et procureurs dans des affaires complexes de violence à l’égard des femmes.
  • Appuyer le programme qui fait obligation aux magistrats nouvellement nommés de déclarer leur patrimoine et le patrimoine de leur proche famille lors de leur entrée de fonction et qui prévoit que ces patrimoines fassent l’objet de suivis périodiques pendant leur mandat, et d’une dernière vérification lors de leur départ. La divulgation des actifs se ferait sous le contrôle d’un organisme indépendant et demeurerait confidentielle tant qu’aucune corruption n’est constatée. La divulgation et le suivi du patrimoine tout le long des carrières judiciaires contribuent à freiner la corruption. Un mécanisme analogue d’examen périodique du patrimoine et des revenus devrait être mis en place pour les magistrats du parquet.
  • Faciliter l’accès du public à toutes les décisions judiciaires. Dans de nombreux pays, toutes les décisions judiciaires ne sont pas publiées ou le sont peut-être sous forme abrégée. La publication des décisions dans leur intégralité permettrait toutefois de tenir les juges pour responsables de la qualité et de la cohérence des jugements prononcés. Chaque tribunal doit publier ses décisions sur un site internet. Cela permettrait de constituer une source de renseignements utiles sur la jurisprudence pour les professions juridiques, les autres magistrats et le public. Les tribunaux doivent incorporer des normes garantissant la confidentialité et la sécurité des victimes.

 The Judicial Monitoring Project Handbook (Almeda County Bar Association and East Bay Diversity Bar Association, Californie, États-Unis, 2010). Disponible en anglais. 

 

Namibie: lois et décisions judiciaires disponibles sur internet

Les fonctionnaires du Ministère namibien de la justice ont relevé une lacune dans l’accès des magistrats aux décisions judiciaires et aux lois qui s’y rattachent. Ils ont également constaté que les employés gouvernementaux étaient incapables de faire appliquer les lois sans avoir accès aux textes législatifs. Pour faire face à ce problème, ils ont formulé un programme visant à faciliter l’accès des magistrats, des autorités judiciaires, des législateurs et du grand public aux textes législatifs et aux décisions judiciaires en les affichant sur internet. Le projet Namibien E-Laws lancé en 2010, inclut l’ensemble des textes législatifs de l’après-indépendance et de l’avant-indépendance du pays, les décisions judiciaires, les décisions de la Haut Cour et de la Cour suprême, et les accords internationaux. Le projet est une extension des services internet déjà en place, notamment le Namibian Courts Information System et Justice Net. 

Source: Namibia Economist. 2010. New website contains all Namibian laws. (Le nouveau site internet contient tous les textes de loi namibiens).

  • Assurer l’ouverture de la plupart des salles d’audience au public. Le caractère public des débats judiciaires est un indicateur important d’impartialité et de transparence. Dans de nombreux pays, des organisations telles que WATCHdans le Minnesota (États-Unis), suivent les procédures judiciaires pour garantir que les victimes de la violence bénéficient d’un traitement équitable et respectueux. Dans les affaires de violence à l’égard des femmes, toutefois, cette volonté de transparence doit être conciliée avec les droits des victimes de la violence, qui peuvent craindre de témoigner en public et la publicité qui découle souvent de ce type d’affaires. Les audiences à huis clos doivent se limiter aux affaires qui engagent des plaignants, des victimes ou des témoins vulnérables, en particulier des femmes victimes de violences sexuelles. D’autres moyens de protection de la victime incluent le témoignage télévisé en circuit fermé et l’interdiction de la présence des médias. En règle générale, les audiences judiciaires doivent être publiques même si certaines dérogations sont à prévoir dans les affaires de violence à l’égard des femmes. À titre d’exemple, le viol d’une mineure doit être jugé à huis clos eu égard à l’âge de la victime. Veuillez consulter la section Agression sexuelle dans le module des connaissances sur la Législation.
  • Soutenir la mise en place de systèmes informatisés de gestion des cas. Les systèmes informatisés constituent un excellent moyen d’éliminer les possibilités de corruption tout en renforçant l’efficacité du processus judiciaire. Les systèmes informatisés permettent d’accélérer les procédures judiciaires, de répartir la charge de travail des juges et des procureurs, de préserver les documents, d’éliminer la possibilité d’influencer l’affectation d’un certain juge ou d’un certain procureur à un dossier, et de créer des occasions d’uniformiser l’accès à l’information et aux frais de justice, lorsqu’ils sont applicables, réduisant ainsi les chances de corruption des administrateurs de tribunaux. Les systèmes informatisés constituent également un moyen de diffusion commode d’informations sur l’évolution des procédures juridiciaires.

Le système informatisé de gestion des cas en Serbie

En 2004, le Gouvernement de la Serbie a doté ses tribunaux de commerce d’un système informatisé de gestion des cas pour en améliorer la transparence et l’efficacité. Dans le cadre de ce système, les juges se sont vu attribuer des cas au hasard, les parties ont pu suivre en ligne l’évolution de leur dossier et ont été facturées des frais de justice standards. Ces dispositions ont non seulement permis d’améliorer la transparence et l’équité, mais également de renforcer l’efficacité des tribunaux de commerce. Rien qu’en 2006, le nombre d’affaires en souffrance a diminué de 24%.

Source: Commission on Legal Empowerment of the Poor and United Nations Development Programme, 2008.

  • Reconnaître que l’imposition de peines très variables pour un délit identique contribue fortement à la perception publique de corruption du système judiciaire. La plupart des pays ont une législation en matière de détermination de peine et l’administration judiciaire doit veiller à ce que les peines prononcées s’y conforment. Le suivi régulier des décisions judiciaires devrait faciliter cet objectif.  
  • Favoriser la mise en place d’un organisme indépendant et d’une procédure uniformisée pour les plaintes. Une commission chargée d’examiner de façon indépendante et attentive toutes les plaintes déposées à l’encontre du personnel judiciaire et autres personnels des tribunaux doit être créée. Elle devrait compter dans ses rangs des juges, des juristes et de simples citoyens, et sa mission d’enquêter sur des allégations de corruption et de faute professionnelle de l’administration judiciaire devrait faire l’objet d’une large promotion. La commission aurait pour mission de transmettre les cas d’infraction pénale à la police. Les sanctions devraient inclure la radiation du barreau des coupables. Des renseignements sur cet organisme et son mandat devraient être envoyés à toutes les parties à un litige.

 

Indonésie: un Ombudsman pour les droits de l’homme

Des années de frustration populaire causée par la corruption et la carence des services publics et de l’administration judiciaire ont amené les autorités indonésiennes à se joindre au Programme des Nations Unies pour le développement pour créer la Commission nationale de l’Ombudsman (NOC). La Commission a pour mission de garantir l’accès à la justice des populations défavorisées et d’inciter les tribunaux du pays à s’acquitter de leurs obligations.

La création de la Commission a été accueillie avec un réel enthousiasme. Dans ses trois années d’existence, la Commission a traité 80% des quelque 2.500 plaintes déposées par de simples citoyens. 25% des personnes et entités qui ont fait l’objet de plaintes ont suivi les recommandations de la Commission. La création d’une commission indépendante en matière de droits de l’homme a répondu à un besoin profond des populations. Le statut d’organe indépendant de la NOC sans aucune attache au Ministère de la justice a contribué à accroître la confiance du public dans son impartialité et sa capacité de représenter les intérêts des citoyens.

Difficultés: Dépourvue du pouvoir d’exécution, la Commission peut être marginalisée par d’autres institutions du pays qui peuvent ignorer ses recommandations. En outre, l’organisation centralisée, essentiellement urbaine de la Commission est très loin de la majorité des couches défavorisées de la population indonésienne qui vit dans des régions éloignées ou rurales.

Djojosoekarto. 2003. The National Ombudsman Commission as the custodian and conscience system of access to justice for the underprivileged in Indonesia.

 

Amérique latine: le Bureau de l’Ombudsman lutte contre la violence à l’égard des femmes

Le Bureau de l’Ombudsman pour les droits de l’homme au Guatemala a mis en place un registre pour y consigner les cas de mort violente de femmes et publie tous les ans depuis 2003 un rapport détaillant les principales statistiques sur les fémicides.

Le Bureau de l’Ombudsman au Panama a suivi en 2005, en collaboration avec le Bureau du Procureur général, la mise en oeuvre de la législation sur la violence conjugale. Le suivi a révélé, entre autres, que des mesures de conciliation étaient utilisées dans les affaires de violence conjugale bien qu’aucune disposition en la matière ne soit prévue par la législation. Le suivi a également permis de relever les affaires qui étaient classées et celles dans lesquelles les mesures de protection n’étaient pas appliquées.

Le Bureau de l’Ombudsman en Bolivie a enquêté sur les activités des Brigades de protection familiale, organisme d’application de la loi en matière de violence conjugale, et a formulé une série de recommandations destinées aux administrations publiques et aux services de police. Cela a permis d’accroître les ressources affectées aux activités des Brigades, d’intensifier la formation sur la violence conjugale et d’augmenter les effectifs féminins de la police.

Source: Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes. 2009.

No more! The right of women to live a life free of violence in Latin America and the Caribbean.

  • Soutenir le principe de la rotation régulière des affectations des magistrats. Les juges à chaque niveau juridictionnel doivent être affectés à tour de rôle et à intervalles réguliers aux différents domaines du droit, comme, par exemple, les tribunaux de commerce, les tribunaux des affaires familiales, etc. La rotation des juges réduit les chances de porter des affaires devant un certain juge et peut contribuer à réduire la pratique de mauvaises habitudes profondément ancrées comme la corruption.
  • Publier un bilan annuel des cas rapportés et jugés et des résultats obtenus.
  • Reconnaître et soutenir le rôle de la société civile et des médias. Ces groupes ont la capacité d’examiner le résultat des décisions et de demander des réformes. Les deux devraient se voir accorder libre accès aux archives judiciaires et diffuser des informations sur les mécanismes de plainte et toutes les instructions en cours. Le système judiciaire devrait soutenir leur rôle de surveillants et de diffuseurs des procédures de plainte auprès du public (Programme des Nations Unies pour le développement, 2005).
  • Faciliter la mise en place d’une base de données pour coordonner les informations relatives aux délinquants entre les acteurs du système judiciaire, y compris entre différentes juridictions. Juges, magistrats, arbitres et personnels chargés des questions relatives à la libération sous caution et à la probation doivent pouvoir accéder au casier judiciaire d’un délinquant, aux jugements précédents des tribunaux, en particulier les ordonnances de protection, les mandats d’arrêt non exécutés, et les informations sur les conditions de probation et de libération conditionnelle. Plus le tribunal dispose d’information sur un délinquant, plus il sera à même d’évaluer les risques et vérifier si celui-ci s’est conformé dans le passé aux décisions judiciaires, contribuant ainsi à renforcer la sécurité des victimes.  

Outils sur l’éthique et les codes de conduite

Des exemples de codes de conduite de nombreux pays sont disponibles à l’adresse suivante:http://www.abanet.org/cpr/links.html#Foreign

Standards of Practice for Lawyers Representing Victims of Domestic Violence, Sexual Assault and Stalking in Civil Protection Order Cases (American Bar Association. Disponible en anglaisLe manuel décrit les responsabilités déontologiques des juristes qui représentent les victimes de la violence sexiste, y compris la représentation respectueuse des différences culturelles, une communication efficace avec le client, des mesures de protection et des descriptifs de procédures d’admission axées sur la victime et les responsabilités des juristes javant et après l’audience.

Legal ethics in Vietnamese legal education system (ASEAN Law Association, 2002). Échantillon de critères d’éthiques juridiques. Disponible en anglais.

Proposed Resolution on Training in Legal Ethics of European Lawyers (European Bars Federation, 2008). Disponible en anglaisespagnol.italien, français et allemand.

Policy Manual (New York State Commission on Judicial Conduct, 2011). Disponible en anglais.

 

Outils sur les systèmes judiciaires et les systèmes informatisés d’archives judiciaires

The Domestic Abuse Information Network Database est un programme de base de données Miscrosoft Access à l’usage des organisations de lutte contre la violence domestique. Il recueille des informations permettant de détecter et de suivre les cas liés à l’agression conjugale dans le cadre d’une intervention communautaire intégrée contre la violence domestique. La base de données peut évaluer des données démographiques, le nombre et le type d’arrestations, la durée de traitement des dossiers, le règlement des affaires, les cas de récidive, et analyser les archives de police, judiciaires et ceux des programmes pour délinquants, entre autres. Des rapports indiquent les tendances du système et peuvent contribuer à décider de la nécessité d’opérer des changements de nature politique ou procédurale. La détection des cas comporte des indications démographiques sur les délinquants et les victimes, des mesures d’application de la loi accompagnées de données correspondantes sur les facteurs de risque, les audiences correctionnelles et les mesures de probation, les audiences civiles et les ordonnances de protection et la participation aux programmes pour délinquants. Pour commander par courrier, cliquez ici. Pour commander en ligne, cliquez ici.

E- Justice: Piecing IT Together (Department of Justice and Constitutional Development, Afrique du Sud). Disponible en anglais. Le document décrit le projet d’informatisation intégrale du système judiciaire sud-africain, y compris le système financier et administratif, le sytème de traitement judiciaire et de gestion des cas, et le système de gestion des archives.